JOURNAL 2019 / Semaine 33

lundi 12 août

Lu Une femme sans histoires (Christopher Priest). Un livre impitoyable avec le monde de l’édition tel qu’il devient dans une ère sans contenu. Nourri d’aigreur adoucie par la subtilité du traitement. Construit et écrit sans aucun effet de surlignage, avec une maîtrise impressionnante, calmement envoyé dans les pattes du lecteur. L’art simple avec lequel Priest pose ce qui défait l’histoire. Mind-fucking, comme on dit en Corse. On sent vraiment ici que ce qui tente Priest est d’annihiler la construction absolument illusoire d’une histoire – une tentation qui m’est familière : la pression et la tension dues à traquer l’incohérence du récit, à retourner celui-ci sur lui-même jusqu’à le rendre imperméable, requiert une telle concentration qu’à un moment de son élaboration, on a envie de saborder l’affaire juste pour respirer, pour sortir la tête du fictif, de revenir à des préoccupations réelles. Plus qu’une dénonciation de l’ère Thatcher comme je l’ai lu dans un résumé, qui pour moi ne serait qu’un prétexte, j’y vois ceci, plus intime, plus convaincant, plus désespérément lucide. Et j’aime cette fin en suspens, qui ne résoud rien, qui cesse.

Deux chose positives tout de même, à propos de Rome : le radeau fait de cadavres d’hommes gonflés par l’éther plutonique. Et les deux notes introduisant le thème musical rappellent Litanie of Saints dans l’album Goin’ back to New Orleans de Dr John.

mardi 13 août

Les rêves sont les limites besognées de notre esprit.

Effacement par l’incertitude des cadres du récit.

mercredi 14 août

Les Boutel sont à la Grange

jeudi 15 août

Les Boutel + les Verdier sont à la Grange

vendredi 16 août

Les Boutel + les Verdier sont encore à la Grange

samedi 17 août

Les Boutel + les Verdier sont toujours à la Grange

dimanche 18 août

Les Boutel sont encore à la Grange. (On a mangé les Verdier.)

JOURNAL 2019 / Semaine 33

JOURNAL 2019 / Semaine 32

lundi 5 août

Les gens usent des médias principalement pour déconsidérer leur propre humanité. Ou, pour dire autrement : les médias sont quasi exclusivement au service de gens qui y témoignent de l’abandon de leur humanité.

Dans un conte, une présence apparaît et soutient le récit avec toute la logique nécessaire, mais sans l’adéquation formelle requise. Ce sera une chèvre à la place d’un chevreuil alors qu’on est en forêt et que la présence du second serait plus logique que celle de la première, ce genre de pas de côté irréductible au simple bon sens. Souvent, le conte est réfractaire au bon sens narratif, il obéit à autre chose. Donc, il nourrit une exaspération chez le lecteur qui pense : si cela était remis droit, alors l’histoire serait plus claire et sa portée plus grande. Mais c’est justement cette désobéissance qui rend le conte fascinant.

Dans un conte, les faits arrivent et bousculent l’esprit avant que celui-ci puisse les analyser.

La grande force des contes réside dans le manière de rester inintelligibles. Interprétés de mille manières, avec mille outils philologiques, mais, au fond, inintelligibles.

Parmi mes amis qui sont morts, l’un d’entre vous a-t-il des nouvelles de Philip K Dick ?

La forêt des Mythimages (Robert Holdstock) : plan-plan jusqu’à l’arrivée dans le récit de la fille peinte en vert avec ses dents vertes et ses contes. Là, à cet endroit, c’est renversant. Et puis ça retombe. De plus, à la première lecture, dans les années 80, les images mentales issues du récit étaient fortes ; maintenant, elles sont parasitées par les effets spéciaux des films, effets semblables jusqu’à l’écœurement. Freya, je vois des CGI. Les créatures, CGI. Pour tout, je vois des CGI. Merde de merde. Littérature gâtée par les daubes industrielles, même lorsqu’elle date d’avant. Devant un écran, il est urgent de fermer les yeux.

mardi 6 août

Vu à la file trois films tournés en Écosse :

The vanishing (Kristoffer Nyholm). Creux malgré Peter Mullan, Gerard Butler et Connor Swindells.

Mary Queen of Scots (Josie Rourke). Grand soin des costumes, qui ne sont jamais la raison de l’image. Aucune sophistication esthétique trop appuyée (contrairement à La favorite). Un rideau en fond de salle de réunion, comme au théâtre. Très bien joué par Saoirse Ronan et surtout Margot Robbie, défigurée par la variole, faux nez, talquée et emperruquée. On y croise même David Tennant et Brendan Coyle. Les quatre femmes qui servent de garde rapprochée à Mary Stuart sont excellentes lorsqu’elles aboient après les hommes pour les faire dégager. L’un des meilleurs films vus dernièrement.

Stardust (Matthew Vaughn), une fantasy qui enfile les poncifs du genre de manière enjouée, ou tout le monde cabotine. Pas désagréable. Mais bon.

Suggéré par la lecture du Robert Holdstock : écrire mon post-apo (celui avec les caïmans et les famines paysannes du XVIIe) à rebours. À mesure que mes protagonistes se déplacent, ils vont vers une sorte de vortex temporel, vers ce qui a engendré cet état des choses et butent sèchement contre les politiques actuelles.

Plutôt qu’appartenir à un courant littéraire, je me suis bâti un gué qui traverse et s’oppose au courant. Un gué fait d’auteurs ou de livres dont il va falloir que je dresse le registre un de ces jours.

mercredi 7 août

Le temps passe et nous dévore. Nous ne sommes que des chips apéro sur une table basse.

Les dirigeants actuels refusent de considérer l’après-eux. Ils criminalisent les citoyens, tous – ceux qui se dressent contre comme ceux qui les maintiennent au pouvoir. Ils nient la course à l’abime. Ils préfèrent le homard à l’humain. Démembrons-les tous. Noyons-les dans la banquise fondue. Clouons-les aux troncs brûlés de Sibérie. Roulons-les dans du film alimentaire. Gonflons-les au dioxyde de carbone. Maintenons-les en-deça d’un seuil de 3% d’air respirable. Prenons-leur la température au chalumeau à acétylène. Bref, passons outre.

La prochaine extinction de masse devra donc concerner les grands actionnaires.

Post-apo (appelons-le CAÏMAN) : adjoindre aux personnages une vache avec un hublot. Et toutes les variations sur la chose. Signes de la folie de temps révolus.

jeudi 8 août

Vu The broken (Sean Ellis) une resucée correcte des Profanateurs de sépultures mais tout de même très mince. Infiniment moins intéressant que Cashback.

Et les vieux sols s’ouvriront pour accueillir les débris des nouvelles civilisations.

La majorité silencieuse est mollement déloyale.

vendredi 9 août

Première scène décrivant une violence inouïe entre deux personnages. L’un prend le dessus, s’acharne sur l’autre, le coupe partout, le blesse, le perfore. L’autre ne meurt pas, n’arrive pas à être tué et son assaillant tombe littéralement d’épuisement au bout de plusieurs heures de corps à corps. S’endorment l’un sur l’autre. Au réveil, leurs sangs sont mêlés, coagulés. Ils restent ainsi, à se regarder, une sorte de trêve due à l’extrême fatigue qui les cloue l’un à l’autre. Cela dure indéfiniment. Ils en profitent pour parler. Un lien se noue. Puis, lorsqu’il a recouvré assez de forces, le premier tue enfin le second.

Rome : comment les talents conjugués de John Milius et de Michael Apted peuvent aboutir à un tel truc mou, confus, mal dirigé et filmé comme une telenovela brésilienne ? Aux décors infiniment tristes, Rome à la dimension d’un coin de rues à Aubervilliers, trois branches d’un terrain vague comme campagne italienne. Des trucs drôles (Que Triton me suce la bite), des personnages de lourdingues, mais bon. Mol divertissement pour fatigué de salle de garde

samedi 10 août

Vu La peau douce (Truffaut) juste pour Paris en 1964. Et Orly, Reims, Lisbonne. Peu de monde dans les rues, toujours une place pour se garer. Un clone de Hollande (Desailly) trompe sa femme avec une hôtesse de l’air (Dorléac). Personnages horripilants. Balzac, Gide, Allégret. Filmé avec ce genre de fluidité qui entraîne l’œil alors qu’on se branle le tamponnoir de tout ça.

Ce n’est pas tant le respect d’une structure narrative et ses avancées nécessaires au récit, c’est aussi et surtout de faire croire au lecteur, de manière ponctuelle et imprévisible, à un embranchement insoupçonné de l’histoire.

Début d’histoire : [Le personnage] ouvrit d’un coup la couverture du livre et rugit.

dimanche 11 août

Vieux, lorsqu’on se penche sur sa vie, on devient un rétrospectre.

JOURNAL 2019 / Semaine 32

JOURNAL 2019 / Semaine 31

lundi 29 juillet

Vu Hangman, un polar sans intérêt – sinon pour supporter Al Pacino qui ressemble à un Johnny Hallyday nain et ventripotent (ressemblance perfidement soulignée par le réal qui boucle le film sur House of the rising sun).

mardi 30 juillet

Admettons :

1) qu’il ne nous reste que dix huit mois pour changer la donne climatique avant que ce soit effectivement irréversible ;

2) que les pouvoirs en place ne le permettent pas ;

3) que les choses se dégradent dès lors sans ambiguïté.

Que se passe-t-il ?

mercredi 31 juillet

Catherine, Christine, Lionel et Aurélien sont venus dîner à la Grange. Qu’avons-nous en tête maintenant ? C’est la bite à Dudule…. M e r c i.

jeudi1 août

Vidé la fosse des eaux usées six semaines après avoir vidé la fosse des eaux usées. En attendant le chantier pour la solution à venir (concernant le traitement des eaux usées).

Que vaudrait la garde rapprochée du président de la république ou celle d’autres nuisibles face à une brute primitive à la colère préhistorique, si un tel individu d’avant le consentement se dressait devant eux et s’il ne s’attardait pas à les gratifier de la moindre considération ? Insensible à l’intimidation, sourd à toute appel à la raison, à la mise en demeure administrative, balayant les crs et leurs lbd, laissant les ministres éventrés sur les velours de l’assemblée, broyant Arnaud entre ses doigts, écrasant Pinault du talon, rejetant Lagarde après l’avoir déchiquetée, puis se posant quelque part pour se curer les ongles, satisfait d’avoir agi selon son juste instinct ? Ces gens qui nous tiennent sous le joug n’existeraient pas face à ma brute primitive et nous nous dirions alors en balayant la charpie qu’il restera d’eux : mais qu’avons-nous été asservis par ces chiffes molles sans véritable existence ? (Et là, le regard de la brute qui s’attarde sur nous comme s’il venait de découvrir des termites.)

Vu L’empire du soleil (que je n’avais jamais vu) : trop factice, un factice de plus souligné par la musique de John Williams. Iil manque une dimension. Spielberg n’est après tout qu’un cinéaste superficiel.

vendredi 2 août

De tout temps, l’Homme a résolu ses problèmes par une hécatombe / Chaque homme politique porte en lui une apocalypse.

Ma nénette est une princesse, mais à la digestion, elle fait des bruits de camion.

Long comme un jour sans pet.

Le Gorbachev de Chernobyl / HBO a de faux airs de Jean–Marc Lofficier.

samedi 3 août

Prendre un personnage historique, le rendre invincible et immortel, le faire traverser les siècles en vrai créateur d’uchronies. Par exemple Roland s’en sort à Roncevaux ; à chaque coup porté sur un personnage important par son épée Durandal, une bifurcation de l’histoire.

dimanche 4 août

Ophélie sous l’eau, respirant avec un roseau.

Tout ne passera pas par le châs des lois.

JOURNAL 2019 / Semaine 31

JOURNAL 2019 / Semaine 30

lundi 22 juillet

Inciter les cinéastes Marvel et DC de retourner leurs films de super héros avec un budget de 2 millions de $ (soit celui d’Unsane, au minimum 100 fois moins que le coût des superprods), pour voir comment ils s’en sortent.

Vu La machine à explorer le temps (George Pal, 1960) : sans aucun intérêt, pas même Yvette Mimieux en Eloïs modèle truffe intégrale.

Dans Le merveilleux, la pensée et l’action (1952) sont cités Régis Messac et Marc Wersinger (La chute dans le néant paraissait en feuilleton dans Le Figaro).

Synopsis de film d’aventures : un type – nommons-le Carl Gustave – s’enfonce dans la forêt ; il y croise des peuplades primitives. Le film s’appellerait Carl Gustav Jungle.

mardi 23 juillet

Des gens arc-boutés à leur pouvoir, qui ne font plus l’effort de mimer un attachement au bien commun. Accaparisme & impunitarisme : passable apocalypse du genre humain.

Vu Arctic (Mads Mikkelsen et un avion qui s’écrasent dans la neige).

Vu The mountain between us (Cate Blanchett, Idriss Elba, un chien et un avion qui s’écrasent dans la neige).

jeudi 24 juillet

38 côté nord, 44 côté sud. 28 dans la maison aux murs très épais.

Vu Everest (des types y grimpent et gèlent).

Vu The big easy (Jim McBride) avec Ellen Barkin en nouille à lunettes et un jeune John Goodman.

vendredi 26 juillet

Chaque lecteur détourne la nature d’un récit. Un récit n’a pas de sens véritable. Alors pourquoi écrire? Pour en remettre une couche.

Chaque réalité est une affaire de génération.

Vu la première saison de Yellowstone : excellente illustration de l’entropie à l’œuvre dans les affaires, en politique et dans la famille, luttes pour l’accaparement, etc. Les acteurs sont tous parfaits. Et envoyez s’il vous plaît l’oscar de la salope qui décoiffe grave à Kelly Reilly !

samedi 27 juillet

L’idée derrière tout ça, c’est tout de même de se débarrasser de ce que sont devenues les civilisations contemporaines – de l’intérieur, par les nantis en phase avec elle ; de dehors par les parias, les laissés pour compte ou ceux dont les aspirations ne se plient pas à la mécanique. La haine des premiers est minoritaire face à la déception sourde des seconds.

Big little lies : surpositivation quasi-mécanique du moindre bon sentiment de leur progéniture, de la part des parents, nuisibles ultra-socialisés empilant les conflits. Impitoyable.

dimanche 28 juillet

Relu quelques E. P. Jacobs : je garde Le rayon U et Le secret de l’Espadon. Trait épais, postures hyper théâtrales. Le mystère de la grande pyramide fait trop Tintin ou bien la patte d’autres dessinateurs détruit ce qui fait la force graphique des deux premiers titres – ou la diluent un peu (La marque jaune). Mais je n’ai pas relu Le piège diabolique.

Revu Encouters at the end of the world (Werner Herzog).

JOURNAL 2019 / Semaine 30

JOURNAL 2019 / semaine 28

lundi 8 juillet

Après l’enquête folklorique et historique ayant pour objet la paternité des Contes de Perrault, l’hypothèse de Marc Soriano à propos du trauma engendré par la mort de François, le jumeau de Charles, à l’âge de six mois part en vrille de manière fascinante : le thème se déploie en reflet inverse dans les contes (choisis pour cette raison inconsciente parmi un corpus infini de tradition orale). Place du cadet, parents, inversion morts / vivants de la situation familiale vécue par Perrault, semi-vie de La belle au bois dormant, gémellité sous-jacente et d’autres choses du même tonneau : nous arrivons à une indéniable similitude avec l’auteur de Ubik. Perrault est, comme Dick, hanté par un jumeau mort. Uchronie : il faudrait creuser l’idée d’une version anthume / posthume de A howl in the daylight écrite sous forme de conte par Perrault.

Abandonné Stranger Things à la fin de la S1, Banshee à S01E4, pour The Crown, excellemment joué et écrit (et pourtant sans cul/pognon/violence ni années 80).

mardi 9 juillet

Non, Arthur H et Arthur Honegger ne sont pas la même personne.

Catherine passe le rotofil. Un nuage de poussières s’élève et dérive. Je le suis du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse. Il cesse d’être nuage et pourtant, aucune des parties le composant n’est retournée au néant.

Le jeûne et le régime sévères en amont d’une coloscopie portent préjudice à l’intégrité des microbiotes ; le deuxième cerveau est atteint, le patient sort de là plus idiot et le cul douloureux.

Syncrétisme / sérendipité / esprit offert au hasard, pas de système à construire, une errance.

mercredi 10 juillet

À mesure que s’élabore l’écriture d’une histoire, les thèmes s’en dégagent, qu’il faut utiliser, tresser et maintenir, de leur frémissement inopiné jusqu’à leur pleine utilisation.

Ce n’est pas l’Amour qui rachète le fait absurde de vivre : c’est l’Hypothèse.

Soriano nous incite à penser que Charles Perrault est dont un jumeau dizygote survivant ayant employé le javanais dans Cendrillon – et qu’il a eu son propre fils comme jumeau mort.

Indianisme vs ritualisme.

L’époque accepte et promeut aux plus hauts postes des individus sans humanité, des hommes fous.

jeudi 11 juillet

Ai revu Lost city of Z : tout de même inappropriée, cette lenteur de narration, cette molesse sans à-propos véritable.

Dans Ubik : uberisation (type activité Tupperware) des semi-vivants.

Lu L’assassinat du Père Noël (Pierre Very) et vu L’assassinat du Père Noël (Christian Jaque) : peu de choses en commun.

vendredi 12 juillet

Ubik, bien que morbide, a un ton essentiellement dépressif-désinvolte. Tout d’abord, Dick s’est prudemment amusé avec le principe de rationalisation ultérieure du feuilleton improvisé en le personnifiant sous les traits de Pat (qui peut plus ou moins changer le présent – et donc annuler une scène écrite sans que l’écrivain ait de repentir dessus) et puis il revient sur ce pouvoir en un mouvement contraire et ne l’utilise pas, ce qui fait d’Ubik un bouquin dont on ne perçoit pas tout de suite la structure quand on se retourne dessus. Juste, c’est un récit avec une poussée initiale assez forte, dont il laisse mourir l’élan sans en faire grand chose d’autre qu’une suite de péripéties anecdotiques, noyées dans d’incertaines manifestations. Pat ment sur son pouvoir : même le principe d’incertitude est incertain. Pulsion (tentatrice et familière à tout écrivain) d’annihilation des éléments rassemblés pour un récit, lassitude créatrice devant l’artificialité incontournable d’une histoire. Délitement hypocondriaque. Et Jory, le rat dans le cercueil qui bricole la réalité, comme un grumeau formé de bribes plus ou moins logiques pour structurer l’affaire. Et puis… Ella Rucinter, et de nouveau Jory… Et tout dépend d’un produit… Et Glen Rucinter… On solde les possibilités narratives sans y croire… Le seul truc certain, c’est que le bouquin se termine. Ubik, qui parle de réalité instable, n’est pas un roman.

samedi 13 juillet

Tenté de regardé Le monocle rit jaune (Lautner, 1964). C’est vide, sans rythme, mauvais, mal joué (Meurisse est épouvantable). Seul intérêt peut-être, les images d’époque de Hong Kong.

Me suis rabattu sur Unsane (Soderbergh) avec une Claire Foy qui assure.

Chez Perrault, la mère du Petit Chaperon Rouge ne prévient pas sa fille du loup en forêt, elle l’envoie donc délibérément à la mort.

dimanche 14 juillet

Idée scénario BD intitulée XXXIX (3 x XIII) : 3 amnésiques se retrouvent seuls coupés du monde.

JOURNAL 2019 / semaine 28

JOURNAL 2019 / semaine 27

lundi 1 juillet

Du foie gras de sumo gavé, des morts, un trafic ! De quoi écrire un thriller ! (Merci Anouk Langaney !)

Été (subst. masculin) : période de l’année commençant au solstice de juin, longue de quatre jours où la température explose les thermomètres et crame vif les poules. Elle sera immédiatement suivie par un temps de merde où on se pèle les c*** en contemplant son potager pourrir sur pied, le nez dans un grog et les épaules sous une couverture de survie couleur soleil mort.

L’intelligence d’autrui active la mienne propre, qui n’a pas vraiment de visage utile ou qui, à coup sûr n’est pas prédatrice, incitatrice, dominante ni juge.

Des fois, je ne peux rien lire sans devoir m’interrompre toutes les cinq minutes pour noter des trucs sans aucun rapport avec la lecture en cours.

Avons été dans la cave de Jeannine (90 ans) siphonner la gnôle de trois bonbonnes différentes. Un tuyau à amorcer, trois gorgées, une à chaque fois. À la première, j’ai souri à Catherine. À la deuxième, j’ai embrassé Jeannine et j’ai invité la troisième bonbonne à danser une valse.

mardi 2 juillet

Ne pas élaborer un récit à partir d’un canevas purement cérébral, mais le traiter d’instinct.

mercredi 3 juillet

Avons serré dans nos bras notre médecin qui quitte son cabinet pour cause de maladie.

jeudi 4 juillet

Dans le potager, je viens de voir une pie étrangement couchée sur le flanc qui remue la tête et s’envole à mon approche.

À partir d‘un tronc de belle longueur, le voisin s’est employé à faire un bassin. Il en a ôté une dosse à la tronçonneuse, puis il a patiemment évidé le tronc avec une gouge, à la manière d’une pirogue, pour le remplir d’eau. Nous sommes sur la terre ferme ; l’eau est donc à l’intérieur de l’embarcation.

vendredi 5 juillet

Lorsque le roman est écrit en entier, que chaque page participe à la narration, que l’arc est scellé, voici la phase que je préfère, celle où il faut réévaluer les chapitres sans s’en contenter tels qu’ils sont, afin de les construire mieux, d’en saisir les éléments et de les nouer avec plus de force, plus d’invention, plus de surprise, de les mettre en scène selon les possibilités contenues par leur trame nécessaire, de les expurger de toute platitude narrative mécanique, de toute cette paresse qui se dissimule derrière le contentement de voir qu’ils servent l’histoire. Bref, de leur donner littérairement vie. Lorsque le roman est terminé, tout est donc à écrire.

On pourra relever qu’afin de m’épargner cette peine il suffirait en amont d’établir un plan très détaillé du récit qui contiendrait tous les nœuds tissant chaque chapitre avant leur rédaction. Oui, mais voilà : c’est sous la plume que viennent les choses, pas dans un plan. Un détail (une improvisation sur la couleur lichen d’un iris) devient l’illustration requise et baroque d’un fil du récit – Tout procédé de structuration d’un récit est rétif au lichen.

Le plus fortuné est celui qui en a le moins besoin, mais c’est celui qui est en situation d’accaparer.

Relu L’expédition (Per Olof Sundman), plus étrange à chaque fois. Il y a des forêts que l’on met dix mille heures à traverser (p. 80).

Faire éprouver le vrac du monde par des enfants sans éducation.

samedi 6 juillet

C’est qui qui va à Bernouil ?

C’est nous !

Pourquoi aller à Bernouil ?

Pour les noces de sophie Fitz et d’Émile Fitz !

Fête réussie, dans une ferme fortifiée du XVIe avec d’innombrables pièces.

dimanche 7 juillet

Retour de Bernouil.

Sur notre recommandation, le voisin a acheté la 4L de Gisèle.

JOURNAL 2019 / semaine 27

JOURNAL 2019 / semaine 26

lundi 24 juin

C’est irrémédiable : nous ne serons plus jamais ce que nous prétendions être.

Ai aperçu au fond du potager, embusqué derrière les groseilles et pointant sur elle son gun à billes pour soulager l’arthrose, le kiné de Catherine.

mardi 25 juin

Départ de Yorgo : il m’aura appris que le saucisson Jesus se nomme Bout-du-monde (rapport au boyau qui l’enveloppe) et m’aura parlé d’un bistrot où il y avait une poule, laquelle ne sortait pas de la page du journal grand format posée sur le sol. Avons vu Parasite au cinéma. Y avons croisé Aurélien, est venu manger à la maison.

mercredi 26 juin

Un prochain roman sera écrit uniquement à partir de détails glanés au hasard de mes lectures. Une sorte de marabout-de-ficelle dont le style d’écriture changera à chaque chapitre. Le cadre pourra en être les famines paysannes au 17e (Soriano Les contes de Perrault) avec des forestiers brûlant du charbon de bois (Tournier Le Roi des Aulnes). Reprendre les personnages du grand Quichotte anglais et du rond Sancho Pança chinois de Mistress Branican. Y adjoindre une voyageuse temporelle (deux choses à son propos : elle sera là pour personnifier mon ignorance de l’époque choisie ; et, après trois romans mettant en scène une jeune fille masquée et/ou invisible, elle me permettra d’écrire l’affaire de son point de vue d’invisible).

À mélanger mes lectures, ça devait arriver : je viens de lire Aventures de Gordon Pym-Pam-Poum de Nantucket, ou The Katzenjammers Tekeli-kids.

Dark (série allemande) : la particule de Dieu, micmac quantique, permettra-t-il d’atteindre un objet de narration impossible à atteindre sans ? Ou pas ?

Vu Mother de Bong Joon Ho.

jeudi 27 juin

Il y a vraiment de très belles choses qui incitent l’imagination dans La danza de la realidad (Jodorowsky), des métaphores visuelles pertinentes et drôles (la mère couleur nuit, les pauvres sous leur parapluie).

vendredi 28 juin

Laisser une part de mes lectures au hasard-bout de ficelle : Maylis de Kerangal (à ce stade de la nuit) mène à Chatwin (Le chant des pistes à propos de la géographie chantée des Aborigènes) ; Soriano (Les contes de Perrault) mène à Jules Verne, via La Belle au bois dormant engrossée et accouchant dans son sommeil comme Mistress Branican (qui ignore être enceinte et accouche pendant sa longue période d’amnésie), livre qui se passe à l’époque des explorations de Lumholtz et Warburton à travers l’Australie… et donc, retour à Chatwin.

Je ne rejette ni ne fuis la fantasy, je louvoie afin d’éviter son lectorat.

Réinsertion (progressive ou pas) de la féérie. Une œuvre qui respire le bonheur de créer.

Par réaction à Netflix/HBO, écrire une histoire sans aucune indication visuelle.

Notion d’indépendance du thème par rapport à son élaboration littéraire (Soriano à propos de Melle Lhéritier). Et donc : non pas en faire un plan mais élaborer un récit.

Post-apo (cf. 29 mai) : abouter le ventre du caïman à Ogrur, les monter en parallèle (et donc, plus besoin d’explications aux néologismes) et les faire se rejoindre brutalement : les personnages du premier écrasent Ogrur sans s’en rendre compte au deux tiers de l’affaire. On parlait du même lieu (et donc traduction immédiate des néologismes d’Ogrur, sans avoir recours à une explication). Tout s’éclaire et cette tentative d’intelligibilité de l’univers par de toutes petites créatures devient poignante alors qu’ils périssent sous le pied des personnages de l’autre histoire (qui sont donc les Glyphos).

Suspens quant à l’objet de la scène / introduction /déroulement / break.

samedi 29 juin

Formuler une hypothèse ne nécessite pas de se perdre en précautions.

Notion de motif thématique.

Toute pédagogie tend à constituer une sorte d’univers fictif.

Ogrur : je tiens donc le schéma narratif, avec cette double histoire dont l’une écrase littéralement l’autre et réduit à néant son envolée créative. France post-apo, territoire ventre de caïman mort vs dérisoire tentative de survie à une échelle moindre.

Tous mes potes sont des bâtards deuxième partie, après la scène au Maquis, que se passe-t-il ?

Valentine a trouvé le gîte. Elle sait ce que trament les bâtards. Elle les amène à se perdre dans la forêt de Thorellie (contrée des contes). Ils n’en comprennent pas les règles, se débattent et finissent vaincus. N’oublions pas le motif suivant : c’est Kjeller qui veut se protéger d’eux. Il a tenté de se faire oublier, il est retrouvé par hasard ; il sait ne pas faire le poids. La rencontre avec Ed Charlou ne suppose pas qu’Ed va rameuter les autres bâtards et pourtant, Kjeller fait tout de suite appel à Gj et à Valentine. En réalité il les convie à une victoire, à une fête, car il sait alors que Charlou est faible, puisque contre lui seul il réunit et réassemble le cluche.

dimanche 30 juin

Les contes de Perrault par Marc Soriano sont en train de me proposer la matière d’un prochain livre : XVIIe siècle + post-apo/caïman + Ogrur écrasé. C’est le même processus que celui de Simone Waisbard sur le Macchu Pichu pour Femmes d’argile et d’osier, un truc trouvé par hasard sur un vide-greniers…

JOURNAL 2019 / semaine 26

JOURNAL 2019 / semaine 25

lundi 17 juin

Parents logés chez les voisins. Promené K. à travers la campagne. Lisa & Thomas sont venus d’Ardèche pour les voir.

mardi 18 juin

Visite parents, suite.

mercredi 19 juin

Suite de la suite.

jeudi 20 juin

Parents au train. À dans 20 ans. Arrivée du copain inspecteur de police et de sa femme, on va enfin pouvoir rigoler.

vendredi 21 juin

Fête de la musique au Maquis de Vareilles, avec madame Sacha en chambellan. Claude déguisé en morvandiau, avons repris des chansons en cœur.

samedi 22 juin

Rien. Si : j’ai coupé très courts les cheveux de Catherine, nous voici Samson et Darladirladada.

Petit, les romans de London, Curwood, Cooper – toute cette littérature offerte par Lacassin – m’ont fait rêver. Aujourd’hui, à quoi rêve un gamin ? Quel ailleurs, quelle contrée, quelle aventure ? Post-apo ? Monde virtuel ? Mégalopole ?

dimanche 23 juin

Ces romans où l’auteur a défini un cadre dans lequel il ne reste au lecteur qu’à perdre son temps et à s’emmerder.

Tout s’invente après coup. Le présent est muet.

Ce soir, arrivée de Yorgo Voyatsis. Mais, avant cela, je pas assister à une session d’enregistrement (nommée session Abermale) de Benjamin Petit Delor et Bruno Montano Avilla, au studio d’enregistrement d’Aurélien Merle et filmée par Alain Caron.

JOURNAL 2019 / semaine 25

JOURNAL 2019 / semaine 24

lundi 10 juin

Chez les Villacampa. Puis chez Julien.

mardi 11 juin

De retour à la Grange.

mercredi 12 juin

J’émerge lentement.

jeudi 13 juin

J’ai émergé au moins jusqu’aux genoux.

vendredi 14 juin

Lu Victime au choix (Ed McBain) : son menton carré aurait pu lui servir de marteau. Et Mato Grosso (Ian Manook). Dubitatif, sur celui-là.

samedi 15 juin

Vidé la fosse des eaux usées.

Le steampunk n’a-t-il pas dérivé en produits dérivés de quelques rares bons livres ? // Les paroles prêtent absolument toutes à rire ; je me tairais là, de peur de vous faire vous pisser dessous. // Ils vous disent de faire des trucs, et ça vous occupe une vie.

dimanche 16 juin

Arrivée des parents : la seconde fois en 20 ans.

JOURNAL 2019 / semaine 24

JOURNAL 2019 / semaine 23

lundi 3 juin

Notre salle fait 35 m2, nous y sommes deux ; il y a des années, lorsque je travaillais de l’autre côté de Paris, transports en commun à cette heure-ci, pour le même espace il y avait 120 personnes.

Dans son livre (passionnant) sur Perrault, Marc Soriano note en prélude la contradiction entre la pensée rationnelle et la pensée magique. Comme a) j’attaque la lecture de RétrofictionS et b) je prépare des notes pour la BnF, me vient à l’esprit que le merveilleux scientifique pourrait être une littérature à la fois exigeante et désinvolte ; que Leibnitz assimile le merveilleux à l’erreur ; qu’une volonté est nécessaire pour transformer le scientifique en merveilleux alors qu’une machine doit être élaborée pour séparer le merveilleux du scientifique. Si on trahit le scientifique pour le merveilleux, ne s’abandonne-t-on pas à la croyance ? En d’autres termes, Dieu, quel étage de la fusée ?

Dans un conte, je guette la leçon, la morale ; lorsque le conte est réussi, celle-ci a bon goût de se dissimuler, d’être insaisissable, laissant l’esprit inassouvi et libre – la leçon échappe d’elle-même à l’esprit avide de leçon.

Je ne sais pas apprendre factuellement d’une lecture, à celle-ci lui répond toujours un écho, un rebond imaginatif : jamais je ne pourrais être un universitaire.

mardi 4 juin

Esquissé mes réponses pour la table ronde à la BnF.

Vu Les mines du roi Salomon (Robert Stevenson – 1937). Beaux extérieurs, personnages très bien campés. Werner Herzog a pu s’en inspirer pour Cobra Verde (le village et le roi sanguinaire).

Monnaie locale : ne sommes-nous pas en train de réinventer l’économie fermée du XVIIe siècle, cette période pénible partout ailleurs qu’à Paris ?

Critique à propos du Peau d’âne de Perrault : négligence de l’auteur qui raconte au public son histoire tout à fait aussi obscure et confuse que sa nourrice la lui a contée à lui-même autrefois pour l’endormir. Un piste singulière, à retenir pour une prochaine histoire.

mercredi 5 juin

BnF. Interventions intéressantes de tous, mais je suis le seul à citer son charcutier. Lorsque les auteurs ont écrit leurs textes, ils n’avaient aucune notion d’appartenance au futur genre merveilleux scientifique. Françoise et Claude sont passés. Repas avec François Angelier et Serge Lehman.

jeudi 6 juin

Repas asiatique avec Costes & Altairac, Rivera et les Boutel : ai découvert les œufs de cent ans. Retour en train, suis tombé sur Aurélien, des Goguettes.

vendredi 7 juin

Mort de Dr John. Je vais tout de même à Angers, pour ImaJn’ère.

samedi 8 juin

ImaJn’ère.

dimanche 9 juin

ImaJn’ère, suite. Pas le temps d’écrire.

JOURNAL 2019 / semaine 23