2021 / chapitre 11

Il faut revenir sur l’écriture d’un chapitre, lui donner un objet, une tension, un but. Ce n’est pas la dent d’un engrenage, pareille à la précédente et à la suivante dans la mécanique du récit. Il faut en dégager les éléments intrinsèques et les agencer, les mettre en scène dans l’espace qu’il restreint. Sinon, autant ne pas chapitrer et que l’histoire se déroule sans halte du début à la fin.

Ce ne sont pas des informations, ce sont des contre-feux.

Dernière nuit à Montréal (Emily St John Mandel) Faux thriller. Chassé-croisé où on suit sur des années un père qui fuit avec sa fille à travers les États-Unis ; le petit ami de la fille devenue grande, qui s’intéresse aux langues mortes ou mourantes ; un détective privé qui, lui, fuit sa femme bizarre et se lance pendant des années sur les traces des deux premiers ; la fille de celui-ci, une funambule – qui fait décoller l’histoire quand le petit ami de la fille fugitive (on suit ?) se retrouve à Montréal. Le tout passe d’une personne à une autre, d’une date à une autre, d’un endroit à un autre, d’une situation à une autre – un puzzle lent très agréable à lire.

Delius, une chanson d’été (Sabrina Calvo) J’y suis retourné pour quelques pages. Sans doute un travail achevé de, comment dit-on ? world building, mais architecture n’est pas littérature.

Bourrés, ils sont allés chez le vendeur de peinture Zolpan et ont demandé s’ils pouvaient goûter leur rouge.

Quand en littérature, on se détourne d’un genre au profit d’un autre, aussi attractif que paraisse ce dernier en regard du premier, on finit tout pareil dans une nasse.

Le moteur d’une histoire, l’impulsion créatrice qui la construit, c’est un vide, autour de quoi sinue quelque chose qui ne se lassera pas attraper – qu’on prendra soin de tenir éloigné de ces autres choses qu’on capture, qu’on nomme, qu’on met en scène et dont on fait le versant factice de l’histoire.

2021 / chapitre 11

2021 / chapitre 10

Facebook me permet de me diluer dans les curiosités des autres.

Le chemin de l’espace (Robert Silverberg) — Il existe un oiseau, sur Vénus. (p. 121). Martell n’avait encore jamais été attaqué par une grenouille. (p. 123).

Dernière nuit à Montréal (Emily St. John Mandel) Suivit une longue pose durant laquelle elle devint méthodiquement moins poilue. (p. 39).

Le voyageur des siècles (Noël-Noël) — Et moi, je serai un autre ! s’écria le professeur en s’énervant : je serai peut-être blond ! ou blonde ! eh oui ! je serai peut-être une fille ! pourquoi pas ? Je vous dis : je suis très inquiet ! (p. 139).

Je lis quatre pages de Maurice à la poule (Matthias Zschokke), je suis happé ; je lis quatre pages de Delius, une chanson d’été (Sabrina Calvo), je m’ennuie. Le premier donne la promesse de tomber sur des fulgurances inattendues au détour d’une page ; l’autre fait miroiter l’application d’une pommade verbeuse sur un dispositif narratif rebattu. Dans l’un, l’emploi des mots surprend ; dans l’autre, il fait naître un bâillement qu’on suspecte très long. Calvo chapitre Un, crime. Je continue de lire Zschokke et j’éclate de rire sans deviner de quoi il va me parler. Je vais tenter, tout de même, de reprendre Calvo – médisance n’est pas critique. Chapitre Deux commençant par un détail, forcément énigmatique, d’une scène générale qui incite – oblige – à continuer la lecture. Lassitude d’avoir à subir le procédé. et tout ce qui pouvait le flatter lui plaisait. (Calvo, p. 18).

Je m’interroge sur la nature d’un chapitre. Procédé de découpage nécessaire à la parution en feuilleton, mise en haleine – ou, considérant le processus d’écriture et non le roman, pose repas, pause sommeil de l’auteur ; auquel cas, ce serait l’irruption des contraintes de la vie vraie et vécue dans le récit-fiction, et, pour certains livres, la seule partie intéressante, celle où on peut sentir l’écrivain en tant que personne réelle, bien mieux dévoilée que par ses verbosités (comme les paragraphes-repas chez Jean de la Hire). On le voit abandonner sa table, se lever, aller manger, obéir à une nécessité, dormir. La nature de l’interruption du récit doit être décelable, si on regarde de près la partie de la page laissée blanche, si on scrute les plaies de l’histoire fictive de chaque côté de la coupure où gît la réalité du monde de l’écrivain. Et si certains trichent, remontent leur ouvrage, en remboitent les parties, cela se voit.

Sinon, je décide de ne plus lire de livres qui ne respecterons pas la précieuse austérité typographique qui sied à une bonne concentration de lecture : police de caractères qui ne dispute pas son intérêt au texte, numéro de page. Point. Rédhibitoires, les simagrées, fioritures et jeux de casses.

Césars : pas vu, pas lu. Donnent tout de même l’impression de souris correctement nourries, pissant et protestant sans talent sur la litière de leur cage. Sans cage, pas de rébellion filmée possible. Tout à leur art, elles fouineraient, libres, efflanquées et inconnues de beaucoup.

Comment s’y prend-on, scientifiquement, pour mesurer l’écoulement du temps ? Quelle est la durée immuable prise pour étalon, et comment est-on assuré de son immuabilité, sinon en recourant au temps ?

Avant, lorsqu’il était nécessaire d’effectuer une recherche sur tel ou tel sujet, on allait à la bibliothèque ; là, on rencontrait une jeune fille dont on pouvait tomber amoureux. Maintenant, on cherche sur le net et on tombe vite sur une Pamela qui te refile illico un selfie de son fessier en pièce jointe.

Fiction est revenu. C’est une revue de crochet.

J’aime la saillance-fiction, dit la pin-up violée par un Vénusien en couverture.

Écrivez des trucs sans vous préoccuper que ce soit non-viable : quand c’est viable, l’éditeur l’assassine.

2021 / chapitre 10

2021 / chapitre 9

La sécurité des personnes ne se résume pas à tout connaître d’elles.

Un genre littéraire devient ridicule dès lors qu’il est jugé depuis un autre genre.

Un récit, quel qu’il soit, doit être convaincant.

Fantômette en plein mystère (Georges Chaulet) — La môme qui s’appelle Françoise ? Il paraîtrait même que c’est en réalité Fant… (p. 49)

Chaque mot est une confrontation.

Tous ceux qui payent des tailles seront aussitôt et à jamais exempts de tailles et autres exactions indues, excepté celles qu’ils voudraient prêter gratis et sans menace et terreur. (Testament d’Aymar de Roussillon, seigneur d’Annonay et propriétaire de Thorrenc, XIIIe siècle).

2021 / chapitre 9

2021 / chapitre 8

Negra soledad (Ramón Díaz Eterovic) Un polar chilien assez besogneux, mais pas désagréable. Avec une enfilade de chapitres composés de dialogues dépouillés, histoire de faire des pages. Le héros, un privé, cite beaucoup de bouquins. Et même ceux du scribouillard qui écrit ses enquêtes. Il parle à son chat Simenon, et son chat lui répond. Même pour crever dans la rue, il faut avoir des relations. (p. 45). Nous parlons de marché, Becerra, et tout ce qui favorise le marché est acceptable selon les paramètres de la loi de la jungle. (p. 234). Sans aller plus loin, si tu ne changes pas ma litière, je vais finir par te dénoncer à ces organismes d’État qui sont censés protéger l’environnement. (p.242). ― Il n’a jamais cessé de faire du sport et surveillait son alimentation. […] J’ai eu envie de lui dire qu’à ma connaissance, il y avait plus d’infarctus dans un marathon qu’au comptoir d’un bar (p. 270). Si tu ne peux pas tuer ton ennemi, tu peux au moins assister à ses obsèques. (p. 290). L’année dernière, je suis allé demander un certificat de naissance à l’état civil. C’est incroyable comme les années ont passé. (p. 305).

Quand tu regardes les BA des films sans le son, tu ne vois que le formatage.

Prétentieuse déclamation.

Construire une histoire autour (de rien).

Au bout de vingt ans, les films devraient perdre leur couleur au profit du noir et blanc. Puis au gris. Et disparaître. Les films devraient avoir une durée de vie donnée. Leur propos et leur subtilité devraient être visés de nouveau par d’autres cinéastes.

Complications (Nina Allan) Les quatre premières nouvelles auraient suffi à l’effet recherché du recueil ; les deux dernières sont inabouties et confuses. Vous m’avez déjà dit qu’il n’était pas possible de voyager dans le temps comme on l’imagine habituellement, alors à quoi ça sert ? — À rien. Mais les gens du gouvernement refusent de le croire. (Le Vent d’Argent, p. 111)

Roman abandonné en cours de lecture : La distance qui nous sépare (Renato Cisneros).

2021 / chapitre 8

2021 / chapitre 7

2021 CHAPITRE 7

Deux romans abandonnés en cours de lecture : La tannerie (Celia Levi) et Le bruit du dégel (John Burnside).

La Saint-Valentin ? Surtout une occasion de lire ou d’entendre des phrases émouvantes. Comme hier Catherine qui, voyant l’état de mon assiette entre la potée et le fromage, m’a demandé : tu veux pas que je te retire le jus ?

On dirait vraiment quelqu’un qui apparaît sur le chemin de garde d’une forteresse assiégée pour brailler après un truc considéré injuste et qui disparaît aussitôt, Roland hautain et agonisant qui souffle dans son olifant Ulule. Reproche à un magazine en perte de vitesse de s’intéresser à notre lectorat. Fait la fine bouche devant ce qui n’est pas nourri d’un concept non utilisé dans un écrit antérieur (qu’il connait, lui).

Quand on pense à visiter un pays, on veut juste manger sa poussière, respirer son air, regarder ses horizons. On se songe pas à son existence administrative.

Le ciel est noir de grues.

Pourvu que je ne confonde pas Gina Jordana et Camilia Carano.

Ils puisent sans relâche dans les pièces de la culture populaire et assemblent des romans qui ne présentent à mes yeux aucun intérêt narratif. Ma culture (années 60 à 80) est moribonde, en voie d’oubli, ignorée par ceux d’aujourd’hui qui ont la leur. Les gens dont je parle, des quarantenaires, ne créent rien. Ils recyclent. Ils sont sur la face descendante d’une vague à laquelle ils puisent leurs armes – des armes dont on a limé le chien et qui percutent à vide. Il n’y a aucune création, aucune réaction assez acérée, ils y prêtent une pertinence par rapport à aujourd’hui qui est émoussée.

Histoires bizarroïdes (Olga Tokarczuk) Belle découverte. Avec Nina Allan et Claire Duvivier, ce que j’ai lu de plus enthousiasmant depuis le début de l’année. Ils considèrent qu’ils sont des fruits. L’homme est un fruit, disent-ils, et les animaux le mangeront. (Les enfants verts, p. 32). [Le colloque] portait sur les relations des sciences dures avec l’art ou la littérature ; la communication du professeur traitait de l’influence de la consommation de protéines sur la vision des couleurs. Il y expliquait que le développement de la peinture hollandaise avait été en corrélation étroite avec l’accroissement de l’élevage du bétail et le bond fait par la consommation hautement protéinique des laitages, les acides aminés contenus dans le fromage activant le développement de certaines structures du cerveau liées à la vision des couleurs. (Une histoire vraie, p. 68). Désormais atteint de démence, il était l’homme le plus énigmatique du monde. (Le Transfugium, p. 109). Rien de cette sainteté que l’on m’avait promise ne se trouvait en Inde. Je ne découvris rien qui eût pu justifier toute cette souffrance. J’ai vu un monde mécanique, biologique, organisé comme une fourmilière avec un ordre établi qui était idiot et relevait de la force d’inertie. Que Dieu me pardonne. (La montagne de Tous-les-Saints, p. 142).

Nouvelle (ironique, suite au énième débat à propos du Goncourt sur la SF comme genre littéraire et chasse gardée) : pour tuer le temps à bord d’un astronef pour Proxima du Centaure, des grossistes en D-Liss tentent de définir ce qu’est la « littérature blanche ». Le refus du monde et l’auto-glorification. Pas besoin d’un long voyage pour répondre, me répond G. B***. Ouch. Il parle donc de la blanche pure. Non coupée.

Aucun organisme né sur Terre ne peut s’échapper dans le cosmos. Aucun.

Certains optent pour un langage clair, direct, une formulation limpide, franche et précise de leurs idées. Moi pas. Est-ce un choix ? Est-ce le résultat d’une inaptitude à la clarté, un défaut de mon aptitude à la formulation – ou mon esprit se complait-il mieux dans l’informulé ?

Milieu : soit tu en demeure le noyau, soit tu en deviens le fruit. Rabougri ou en expansion. Racorni ou à la rencontre des vents.

Un autre ordre peut exister. Cessons de vouloir maintenir l’actuel en vie. Pas nécessairement par rage. Par simple compassion.

Tant de mots pour si peu de changement.

Plus de livres. Des mèmes, des T-shirts et des mugs.

2021 / chapitre 7

2021 / chapitre 6

Mes rapports avec mon éditeur sont du même genre de courtoisie qu’entre un mort et sa tombe.

Le gouvernement et ses sbires économiques ou armés ne forment pas une entité imprenable.

Quelle que soit leur causes, les prosélytes intransigeants font le vide autour d’eux, s’isolent et disparaissent au détriment de leur cause.

Déjà trois lettres de France Alzheimer, alors que je ne suis pas abonné. Je me demande qui s’occupe du courrier, chez eux.

De ma tête coupée / je me suis fait un oreiller.

Some heroic fantasy is hyperboring.

Des récits vides écrits avec l’affectation de qui se veut écrivain écrivant. Beaucoup de textes sont délivrés par des plumes qui miment ce qu’est l’écriture. Comme des acteurs qui chantent miment sans aucune sincérité, nécessité ni âme l’acte de chanter.

Vendôme LVMH : a) Damasio n’invente rien. b) Damasio a exploité une réflexion du think tank LVMH. c) Damasio et La Volte ont confié la comm des Furtifs à LVMH.

Un éditeur forme un gestalt avec un auteur, il ne le vire pas lorsque ce dernier braille légitimement après le non-travail du représentant anéantissant des mois de labeur.

La bête de miséricorde (Fredric Brown) La cuisine aussi était un trou à cochons. (p. 39).

La politique est une force qui n’a de cesse de s’annuler.

2021 / chapitre 6

2021 / chapitre 5

Les velléités productives de certains éditeurs d’imaginaire reviennent à exhiber un vieux crouton trouvé derrière une malle et à le ramollir en le plongeant dans l’eau puisée à la source d’une souscription Ulule.

Quatre marcassins rayés de la taille d’un sac à main grognant comme des grosses bêtes juste sous mon nez sont entrés chez le voisin par la porte ouverte

Castex ferme les bars et durcit le thon.

Le rayon vert (Jules Verne) Alors le timonier donne un coup de barre, la ligne de foi du compas est mise au rhumb de l’ouest, on double l’île d’Arran, on tourne le grand doigt de la presqu’île de Cantyre, on en remonte la côte occidentale, on s’enfonce dans le Gigha-passage, à travers le détroit du Sund, creusé entre les îles d’Islay et de Jura, et on arrive à ce secteur largement ouvert du Firth of Lorn, dont l’angle rétréci va se fermer un peu au-dessus d’Oban. (p. 46). Il n’écoutait pas, il ne voyait rien, il ne se taisait jamais. (p. 64).

The Reptile Enclosure (J. G. Ballard – The complete short-stories) For ten years the thousand cautions and compromises accepted each day to make existence tolerable had steadily secreted their numbing anodynes, and what remained of his original personnality, with all the possibilities, was enbalmed like a specimen in a jar. (p. 431).

Les actualikés.

La jubilation de lecture qui te fait préférer Colas Breugnon à Dune, Kipling à Damasio et Narayan à Peng Shepherd. Et le plaisir de découvrir des auteurs comme Nina Allan (pour cette dernière, l’écho familier de son histoire où deux réalités s’interpénètrent de manière incertaine te séduit, jusqu’au moment où la dernière ligne des remerciements est adressée à mon compagnon, Christopher Priest).

2021 / chapitre 5

2021 / chapitre 3

2021 CHAPITRE 3

Vu la piètre qualité des photos de mon assiette prise à chaque repas, je pense échouer à être un écrivain reconnu.

L’association Alzheimer rencontre des difficultés à rassembler les cotisations de ses adhérents.

Sur facebook, on retrouve avec les RIP la frénésie des ventes flash en grande surface : Pernoud, hop, Tanya Roberts, hop Michael Apted, hop hop Phil Spector, hop hop hop Bacri.

Un graffiti dans la neige signé Bansky s’est vendu 1M de $ le litre.

C’est moi qui éteins les lumières (Zoyâ Pirzâd) Tu ne nous avais pas dit pourquoi la grand-mère d’Émilie est restée si petite, dit Armineh, mais nous, nous avons compris. […] Parce qu’elle n’a pas été vaccinée. (p. 109).

Et donc, ces derniers mois, une poignée de films de SF qui procurent avec peu de moyens le frisson de s’être embarqué pour ailleurs : Prospect (Zeek Earl & Christopher Caldwell) ; Aniara (Pella Kågerman & Hugo Lilja) ; Upstream Colors (Shane Carruth) ; Cargo (Arati Kadav) ; The Vast of Night (Andrew Patterson).

Séparer la conscience de tout support physique et de tout besoin énergétique.

Saturne, la planète annulaire (Camille Flammarion).

— Plonger les mains dans l’eau m’a toujours donné envie de pisser. — Et dans le boudin noir ?…

The Man on the 99th Floor (J. G. Ballard – The complete short-stories) He was minimal urban man, as near a nonentity as possible, without friends or family, a vague background of forgotten jobs and rooming houses. (p. 407).

Nouvelle Je m’appelle (x). Je vis en 2021 et je vais écrire une histoire qui se passe en (18**) à (y). Je ne connais pas grand chose à l’époque et ne suis jamais allé à (y). La véracité de ma reconstitution n’est pas importante, ce qui importe, c’est que les personnages qui vont y être animés ne le sachent pas.

Raconter la pandémie actuelle comme un conte bizarre des temps anciens.

2021, l’année des nouveaux-nés prénommés Grogu.

Dorénavant les salariés seront payés selon leur anxienneté.

2021 / chapitre 3

2021 / chapitre 2

En 1984, Lovecraft est projeté sur Dune par Big Brother afin de délivrer Grogu des griffes de Baby Cthulhu.

Dans un futur proche, nous serons tous bannis des réseaux sociaux.

Non à cette liberté liberticide.

Ces séries qui naviguent à vue en se donnant des airs de savoir où elles vont.

No no boy (John Okada) Comme la narration est simple, j’attendais de lire une phrase évoquant quelque chose de simple avec justesse. Je la trouve ci : Elle avait posé ses poignets sur ses genoux, ses mains pleines de terre évitant soigneusement de toucher sa salopette tachée, comme si elle portait une jupe propre. (p. 164). Je mendie, je le sais, et cela sans honte, car c’est ainsi que le monde va. (p. 186). cet homme qui avait fabriqué un chasse-neige dans ville sans neige simplement parce qu’il en avait eu envie. (p. 251). Ils en bavent, les vivants. (p. 275). Je me rends compte que ma vie merdique n’est qu’une toute petite partie de ce monde merdique. (p. 377). Personne n’a le droit de m’interdire d’aller où j’veux. J’ai des dents et des cheveux, comme tout le monde. (p. 393). (Dans la saison 2 de la série The terror qui parle de Japonais internés en Amérique pendant la guerre et tourmentés par un yurei (un esprit), on mentionne, dans l’épisode 5, ce questionnaire, les questions 28 et 29, ainsi que le camp de haute sécurité de Tule Lake.)

Le livre de M (Peng Shepherd). J’y suis allé à reculons, j’ai abandonné au bout de trois chapitres. Encore un livre dont on tourne les pages avec un sentiment grandissant d’exaspération. Aucune fulgurance de style, rien de neuf dans la structure. Un post-apo assemblé selon la mécanique page-turner. Les gens perdent leur ombre, puis la mémoire. Pandémie mondiale. Les survivants errent. Je l’ai repris après avoir lu un autre roman. Vais-je l’abandonner de nouveau ? Arrive cette histoire d’un éléphant à qui une scientifique apprend à peindre – exclusivement des portraits d’elle, cheveux noirs et jambe artificielle. Là-dessus, la sœur de l’éléphant (qui n’a jamais vu la scientifique), parquée ailleurs, se met à peindre à son tour, et à peindre le même portrait. (Ce serait une évocation du véritable éléphant Gajarajan couplée à un récit de la mythologie indienne.) Ensuite, un quartier entier disparaît, lié à la mémoire défaillante du patient zéro. Le livre basculerait-il dans une forme de réalisme magique ? Las ! Retour aux chapitres alternés, à l’écriture fonctionnelle, aux phrases courtes. Répétées. Répétées (mais en italiques). Aux effets soulignés. Et de nouveau, par bribes posées là, une figure géante qui dévore Manhattan, un loup qui parle, une forteresse d’eau qui entoure La Nouvelle Orléans… L’objet bizarre du récit est donc qu’un oubli délibéré provoque le basculement magique du monde et que la perte de son ombre en est une manifestation. Des dizaines de pages sans intérêt, comme conçues de manière aléatoire, sans fonction véritable – et une sidération maladroite. Rouges contres Blancs, etc. Encore une fois, bien qu’impromptu, le magique reste sur un plan cosmétique (ou participe de manière grotesque, plus que fine, à l’intrigue comme l’évasion par ceux qui transforment leur cage en réplique magique de leur camping-car). Je me demande quelle a été la motivation de l’auteure, sinon avancer à vue et produire des pages tandis que la volonté d’irréel tardait à prendre forme. Là encore, à mon sens, travail éditorial inabouti pour un résultat confus. Peut-on vraiment se satisfaire de tout ce fatras ? L’incrustation présidentielle disparut de l’écran. (p. 73) — Bordel, haletait Ory, les mains sur les oreilles. C’est n’importe quoi, putain. (p. 276). Oh, a soudain dit le loup. (p. 314). Je n’y comprends rien, dit Naz, perplexe. (p. 517).

Nouvelle : Les ombres des Blancs se transforment en Noirs.

Il ne montre jamais mieux sa hautaine superbe que lorsqu’il se drape, confit, dans ses inimitiés.

2021 / chapitre 2

2021 / chapitre 1

Nouvelle (Hebna Calde) : Un homme trompé par sa femme sculpte dans les cornes poussées sur son front le manche des couteaux avec lesquels il égorgera les amants.

Le professeur d’anglais (R. K. Narayan) Il n’est pas nécessaire d’introduire de la politique partout, dit Gajapathy. Je souhaiterais parfois qu’il n’y ait pas de politique dans le monde, et que personne ne sache qui gouverne, et comment. Cela nous aiderait à réfléchir sur tous les problèmes avec un peu plus de lucidité et de liberté. (p. 29). « Un homme doit se remarier dans les quinze jours après la mort de sa femme, autrement, c’est la ruine. J’étais la quatrième femme de mon mari, et il s’était toujours remarié dans les trois semaines. Les quatorze enfants sont très heureux. Qu’y a-t-il de mal à cela ? » (p. 182). Toute cette histoire était bien déconcertante. (p. 307). Sa femme, qui était maintenant bien assagie, le suppliait souvent de la laisser apporter à manger. Il déclinait cette offre avec fermeté et déclarait : « Non, c’est ainsi que commencent les problèmes. La cuisine est l’arsenal le plus redoutable que possède une femme. » (p. 324).

Quand je lis les lignes sensées que celle-ci écrit à propos d’une série ; que cet autre publie à propos d’un film et celui-là dit à propos d’une bande dessinée, je songe : Jamais je ne serais capable d’être autant sérieux, prolixe et juste, quel que soit le sujet. Lorsqu’on m’a demandé une préface pour Harry Dickson, je m’en suis sorti par une pirouette. Idem pour un recueil sur Mars : j’ai livré des fictions, pas une réflexion ou une analyse. Je suis absolument dépourvu d’outils intellectuels, de raisonnement, d’application, de décryptage, de méta-lecture. Suis-je un imposteur pour autant ? Pourquoi le penserai-je ? Parce que je trahis l’attente du lecteur demandeur de précision, d’éclairage ? Je ne peux parler sérieusement. Je ne suis capable que d’un amusant babil à propos des choses. Et d’ailleurs, je ne sais toujours pas de quelle manière fonctionne mon esprit, aucune lucidité d’aucune sorte n’a jusqu’ici jamais tenu.

The singing statues (J. G. Ballard – The complete short-stories) Make the statue sing again! (p. 403).

Le gouvernement [se] fiche [de] nos convictions politiques.

2021 / chapitre 1