Lu ces jours-ci, la suite

Oui Oui
Guerre du temps (Alejo Carpentier) 5 nouvelles, dont trois renversantes – et toujours cette écriture passionnante.

Oui
Cérémonial nocturne (Thomas Owen)
Un dîner d’anniversaire (Francis Beeding)
Tristes revanches (Yoko Ogawa)

Oui Non
La course (Nina Allan) Oui pour Jenna et Maree, non pour Christy et Alex, non pour l’architecture du roman, sa recette.
Alice chez les Incas (Caroline Quine)
La clé de l’abîme (José Carlos Somoza) Fable futuriste entièrement bâtie sur Lovecraft. Sans doute bien, mais abandonné : rétif aux pages-turner.
Trois jours dans la vie d’un yakuza (Hideo Okuda)

Non
Ultramarins (Mariette Navarro) 20 marins vont se baigner ; 21 remontent à bord – ou comment foirer un pitch de Hodgson avec une écriture hachée, cérébrale. Histoire écrite dans la manière d’une intention d’histoire, qui ne se décide sur rien et qui va nulle part.

Pas de Non Non cette fois-ci. Ouf Ouf.

Lu ces jours-ci, la suite

Conquistador…

Elle me laissa languir une interminable paire de jours après notre troisième rencontre – celle du soir où affleura l’armure. Sous mon crâne Óxido allait et venait sur le rivage de Cozumel, bringuebalé par une écume ardente, presque eau forte, presque acide, morsure identique aux parcimonieuses avancées hebdomadaires des feuilletons de mon enfance qui me rongeaient l’esprit tout une semaine, de ceux dont je scrutais chaque image, chaque mot et les cent possibilités de chacune et de chacun transformaient mon impatience en loupe, en pince, en ongle. Je grattai et scrutai et derrière tout cela se dressait une stature indéfinissable – celui qui jouait avec moi, art de la narration et volonté éditoriale inassimilables par l’enfant que j’étais et aujourd’hui, me voilà le jouet d’une satanée gamine. Qu’ai-je appris ? Rien. Ai-je appris ? Non. Le feuilleton, le feuilleton, toujours… J’avais quitté le conquistador avec du miel dans la bouche et le nombril au dos et j’avais beau scruter à la loupe, gratter avec l’ongle, je ne comprenais pas la racine de la surprenante péripétie. Valentine, si tu te permets dès le début de l’histoire une telle fantaisie, quelle Conquista bouffonne allons-nous relater toi et moi ?

Conquistador…

Ma primaire populaire de janvier

Oui Oui
Gîtes (Julio Cortázar)
Les armes secrètes (Julio Cortázar)

Oui
Les livres de Jakob (Olga Tokarczuk)
Dérangé que je suis (Ali Zamir)
Victoria (Knut Hamsun)
Le businessman (Thomas M. Disch)
La faim (Knut Hamsun)

Oui Non
Au bal des absents (Catherine Dufour)
Une auréole pour Satan (John Evans)
Le mystère du hansom cab (Fergus Hume)
Le village aérien (Jules Verne)

Non
Je n’aime pas les grands (Pierre Léauté)
Le médecin personnel du roi (Per Olov Enquist)

Non Non
Ténèbre (Paul Kawczak)

Ma primaire populaire de janvier

Conquistador : voici Óxido, le héros

Appelons votre conquistador Óxido de Yucatán de Hispaniola de Cuba de Castille. Ce nom-là donne parfaitement chair et corps au tralala. Passons sur le récit minutieux des huit siècles d’invasion maure et de fureur religieuse ayant préludé à la Conquista, car je pense que chaque lecteur qui se procurera un livre dont le titre est Óxido, figures du conquistador aura à l’esprit une représentation de l’affaire : des hommes en guerre sur leur terre envahie depuis des générations, frustrés de violences après la libération de Grenade et la victoire sur les Maures, traversant l’océan et s’abattant comme des nuées de fer sur la Nueva Castilla de Oro del Reino de Tierra Firme. Voici votre Óxido qui, au courant des expéditions et après avoir quitté Séville et sa Torre del Oro en s’engageant sur un navire en route pour Santo Domingo, végète depuis de trop longs mois à Hispaniola. Décidons qu’il sait lire, et qu’il a emporté un exemplaire d’Amadis de Gaule dans ses bagages. Ainsi, votre prologue n’aura pas été vain. Óxido, les pieds dans le sable, qui fait tournoyer son épée en criant qu’il allait conquérir une à une les sept parties du monde, Óxido prêt à fendre Endriago, le maître couvert de poils et d’écailles de l’île Triste et à se livrer à cent exploits du même tonneau pour la gloire de Dieu et pour celle de Charles Quint – à défaut de connaître une Oriane la Sans égale.

Donc, Óxido quitte enfin le cap San Antonio, situé à la pointe ouest de Cuba, vers le Yucatán, à bord d’un des onze navires qui allèrent mouiller en vue de l’île de Cozumel sous le cap Catoche, cap aussi appelé pointe de Guaniguanico. On met les barques à flot. Autour d’Óxido, ses frères d’armes avides et bruyants comme des casseroles, sautent des chaloupes et avancent vers l’agreste nudité du rivage, de l’eau jusqu’à la ceinture et déjà entre leurs jambes sinuent les étranges vers marins qui seront cause de la destruction de la flotte devant Vera Cruz et d’autres silencieux forfaits que tes historiens n’ont pas soupçonnés.

Certains, dont Óxido, étaient curieux d’un boniment rapporté par Juan de Grijalva qui avait abordé l’île de Cozumel l’année précédente. Désertant le ravitaillement en eau, le bris d’idoles et la revue militaire qui demeuraient les raisons de l’étape, ils choisirent d’aller éprouver le racontar par eux-mêmes et c’est ainsi, peut-on imaginer, que le nombril de ton héros passa de son ventre sur son dos.

Conquistador : voici Óxido, le héros

Ladite, ledit, audit, lesdites

[…] et à cause des grandes nouvelles qu’on avait d’une terre où poussait la cannelle, pour servir Sa Majesté dans la découverte de ladite cannelle, sachant que Gonzalo Pizarro, au nom du Marquis, venait gouverner Quito et ladite terre que ledit Capitaine avait à sa charge, pour aller à la découverte de ladite terre, il s’en fut à la ville de Quito, où se trouvait ledit Gonzalo Pizarro, pour le voir et le mettre en possession de ladite terre. Cela fait, ledit Capitaine dit audit Gonzalo Pizarro qu’il voulait aller avec lui au service de Sa Majesté et y emmener ses amis et y dépenser ses biens pour mieux la servir, et ceci concerté, ledit Capitaine s’en revint à ladite terre qu’il avait à sa charge et laissa dans la quiétude et le calme lesdites cités et villes.

(Gaspar de Carvajal, Relation de la première descente de l’Amazone)

Ladite, ledit, audit, lesdites

Lu ces jours-ci

Catherine Dufour Au bal des absents

John Evans Une auréole pour Satan

Jules Verne Le village aérien

Per Olov Enquist Le médecin personnel du roi

Julio Cortázar Les armes secrètes

Et donc ? Le jeu est de retrouver qui pour quel extrait.

[On s’habitue à tout, même à l’étrange ; on arrive à croire que le mystère trouve son explication en lui-même et on finit par le vivre de l’intérieur, en acceptant l’inacceptable, en se disant au revoir au coin des rues ou dans les cafés alors que tout pourrait être si simple, un escalier avec une boule de verre en bas de la rampe qui mène à la rencontre, la vraie. Mais Michèle a dit qu’il n’y avait pas de boule de verre chez elle.]

[Le roi était souverain, mais le corps des fonctionnaires exerçait concrètement tout le pouvoir. Tous admettaient cette situation. La pédagogie, pour ce qui concernait Christian, était adaptée à ce but. Dieu avait octroyé le pouvoir au roi. Celui-ci, à son tour, ne se servait pas du pouvoir mais le déléguait. Que le roi n’utilise pas son pouvoir n’était pas une évidence. La condition sine qua non était qu’il soit aliéné, profondément alcoolique, ou peu enclin au travail. S’il n’entrait pas dans ces catégories, il fallait briser sa volonté. L’apathie et la dégénérescence du roi étaient donc soit innées, soit provoquées par une éducation appropriée.]

[Je pris l’ascenseur en compagnie de la jeune blonde qui s’était installée sur le même palier que moi une semaine plus tôt. Peut-être aurais-je pu lui demander un rendez-vous, peut-être même passer un moment en sa compagnie. Mais elle avait sous le bras l’Enfer de Dante et je ne pouvais rien lui offrir d’aussi brûlant, surtout ce soir-là. Je remis donc la question à plus tard.]

[Chez eux, aucun symptôme de badaudisme ni de snobisme. Par exemple, en fait d’acrobatie, pour grimper dans les arbres, voltiger de branche en branche, dégringoler l’escalier de Ngala, ils en eussent remontré aux Billy Hayden, aux Joë Bib, aux Foottit, qui détenaient à cette époque le record de la gymnastique circenséenne.]

[Au fait, il lui fallait un filet à crevettes.]

Lu ces jours-ci