Appelons votre conquistador Óxido de Yucatán de Hispaniola de Cuba de Castille. Ce nom-là donne parfaitement chair et corps au tralala. Passons sur le récit minutieux des huit siècles d’invasion maure et de fureur religieuse ayant préludé à la Conquista, car je pense que chaque lecteur qui se procurera un livre dont le titre est Óxido, figures du conquistador aura à l’esprit une représentation de l’affaire : des hommes en guerre sur leur terre envahie depuis des générations, frustrés de violences après la libération de Grenade et la victoire sur les Maures, traversant l’océan et s’abattant comme des nuées de fer sur la Nueva Castilla de Oro del Reino de Tierra Firme. Voici votre Óxido qui, au courant des expéditions et après avoir quitté Séville et sa Torre del Oro en s’engageant sur un navire en route pour Santo Domingo, végète depuis de trop longs mois à Hispaniola. Décidons qu’il sait lire, et qu’il a emporté un exemplaire d’Amadis de Gaule dans ses bagages. Ainsi, votre prologue n’aura pas été vain. Óxido, les pieds dans le sable, qui fait tournoyer son épée en criant qu’il allait conquérir une à une les sept parties du monde, Óxido prêt à fendre Endriago, le maître couvert de poils et d’écailles de l’île Triste et à se livrer à cent exploits du même tonneau pour la gloire de Dieu et pour celle de Charles Quint – à défaut de connaître une Oriane la Sans égale.
Donc, Óxido quitte enfin le cap San Antonio, situé à la pointe ouest de Cuba, vers le Yucatán, à bord d’un des onze navires qui allèrent mouiller en vue de l’île de Cozumel sous le cap Catoche, cap aussi appelé pointe de Guaniguanico. On met les barques à flot. Autour d’Óxido, ses frères d’armes avides et bruyants comme des casseroles, sautent des chaloupes et avancent vers l’agreste nudité du rivage, de l’eau jusqu’à la ceinture et déjà entre leurs jambes sinuent les étranges vers marins qui seront cause de la destruction de la flotte devant Vera Cruz et d’autres silencieux forfaits que tes historiens n’ont pas soupçonnés.