Harry Dickson No. 182 / le Baal des psychonautes

Fascicule paru chez Le Carnoplaste en 2009. Disponible ICI

Un texte écrit il y a presque dix ans. Je ne me souvenais pas combien je l’ai truffé de références et de clins d’œil.
Londres. Des enfants disparaissent en grand nombre, « engloutis par des failles noires ». Scotland Yard est sur les dents. Puis les disparitions cessent. Et Harry Dickson envoie Tom Wills en repos sur la côte, à Tyldesley-the-Sea. Tom s’ennuie, écrit un mirliton à Dickson :

Cher Maître,
Bien las du Morne Repos & du Grand Air…
A quand du Sang, du Crime & du Mystère ?

Tom écrit cela sur une carte postale vendue par un démarcheur. Dickson la reçoit. Il la lit et tombe en catalepsie. Vache de mince, ai-je pesté après avoir écrit ce début. Comment vais-je m’en sortir.
Tyldesley-the-Sea
, c’est Port-en-Bessin Huppain, dans le Calvados. Jeune, j’y allais avec mon frangin pêcher des sardines à la dandinette, cette ligne aux hameçons multiples qu’il suffisait de descendre au passage d’un banc. Les rues décrites sont celles qui existent, les descriptions sont précises : « ici et là, une étroite fenêtre éclairée d’une falote bougie pelait d’amphiboles la surface du granit ».
Le sémaphore, d’où Harry Dickson communique avec son élève, existe. Ainsi que cette « tour Calfbanns », traduction perverse (dont j’ai oublié la clef) de la véritable tour Vauban, sur les hauteurs du port.
Mais il y a plus.
L’histoire mène nos héros de l’autre côté de la Manche, en Normandie. Ils y vont en avion, piloté par une vieille femme qu’on croisera, je crois, dans une autre histoire (je ne sais plus laquelle) : Mimi Mumby. Ma belle-grand mère maternelle, délicieuse créature qui « me lavait le gland avec le côté vert de l’éponge », disions-nous pour rigoler avec le frangin.
Mais il y a plus encore.
Ils se rendent chez Archie Furse, un limier-saucier. « Ou Kurpius Kneebone, Arnoulds-Moreau, Ebenezer Mayland, Elius Corne… Tant d’autres et non des moindres, comme Alceste Mirabelle, le célèbre saucier de Saint Lô. Et même l’un des Pierrepoint lorsqu’il s’avéra nécessaire de soustraire Miss Samarkand Frith à la potence ». Ce personnage est en réalité Alain Letort, peintre des couvertures sous le nom d’Isidore Moedúns. « Archie Furse frotta d’une paume matelassée de fumée de tabac ses courts cheveux blancs » (à l’époque, il fumait encore). Nous pénétrons chez lui. Je lui fait dire : « J’aime remettre les escrocs à la maréchaussée », lui qui n’aime pas la maréchaussée ; je le fais conduire de manière sportive, lui qui conduit calmement ; il parla anglais… Bref, je m’amuse. « On décide d’emmener le faussaire. Il fut détaché de la salamandre. De son passage chez Archie Furse, il ne resta que son contour tracé par les cordelettes sang-de-bœuf laissées sur le sol. » : à cette époque, Alain peignait des drôles de toiles où ne restaient des personnages que des cordelettes.
Mais il a autre chose.
Le passage vers la ville, double de Tyldesey-the-Sea en Normandie, est un endroit nommé « Le Trou-du-Diable ». Cet endroit existe, je l’ai visité. C’est une ancienne carrière d’ardoise près de Balleroy. Qui veut vérifier le trouvera : il suffit réellement de passer sous un sentier pour y accéder.
Après ces pas de côté, pour la fin de l’histoire, nous sommes dans la réalité vraie. Le coupable « qui se dissimule derrière le visage d’Harry Dickson » a bel et bien existé : c’est Edmond van Daële, un acteur. Cherchez et vous trouverez le rapport qu’il entretient avec le Roi des Détectives via Raymond Plaissety, de la Gaumont…
La couverture m’a donné des suées. Ce « Rosebud »… et ces failles noires…
Ces failles qui mangent décor et personnages, pour m’amuser, j’en ai placé une à la toute fin du texte : elle en dissimule les mots. Il faudra donc attendre la réédition en Hélios noir pour pouvoir les lire.
Et puis et surtout, les descriptions de cette Normandie noire est un hommage au travail mon père, peintre-graveur (taille-douce), à travers le personnage nommé Barnabé Clermusot : « Ici et là une barrière de bois découpait les cieux gris d’une géométrie primitive » ; « une chapelle blanche, décharnée, cartilage enseveli sous les ronces » ; « Perçant les talus, apparaissaient les bouches noires de multiples chemins sombres, ouvertes comme sur des cris creusant la campagne. Des pommiers tordus par d’incessantes tempêtes lançaient leur ramée gesticulante vers les nuages » … (Le lecteur curieux ira ici ou .)
Je m’amuse avec les citations : chaque dernier chapitre a la sienne. Là, c’est celle-ci :
S’il a lu Keats, c’est l’éther chlorique. Sinon, c’est le même bacille ou la même onde hertzienne de la tuberculose, plus Fanny Brawne et le statut professionnel qui, conjointement avec le courant principal de la pensée subconsciente commune à toute l’humanité, a momentanément fait surgir un Keats induit.
C’est de Rudyard Kipling. A l’époque, je m’étais offert ses œuvres dans la Pléiade. J’ai lu les quatre volumes page après page. D’où j’ai tiré ceci, je ne le sais plus, il faudrait que je relise tout Kipling… Mais ceci est une autre histoire… (*)
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(*) C’est dans « Wireless » (Sans-fil). Retrouvé grâce à Jane Campion et son parfait « Bright Star ».
Harry Dickson No. 182 / Le Baal des psychonautes

Harry Dickson No. 182 / le Baal des psychonautes

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