JOURNAL 2019 / semaine 16

lundi 15 avril

What are the musical materials behind, for example, the guitar part on ‘Fashion’? Bartok string quartets“ (Robert Fripp). Relu, corrigé et imprimé Le retour du prisonnier de la planète Mars pour envoi à un éditeur-qui-souhaite-du-papier.

mardi 16 avril

Hier le feu, aujourd’hui la pluie. Revu le chapitre 8 de TMPSDB – qui changera sans doute de nom et de nature, avec cette histoire de planches coupées qui se dressent comme la lisière d’un pays. Ai appris en discutant avec le voisin (Claude Thorelle, celui des pintades) que le sapin ne libère pas de tanin, contrairement au chêne ; les taches grises sont des moisissures dues à la sciure laissée le temps de séchage, ou bien à la durée entre la coupe de l’arbre et son débitage à la scierie. Quoi qu’il en soit, ces taches s’animent sous les yeux de la gamine Valentine : c’est donc une lisière où s’enfoncer, une sorte de forêt de Ryhope de Holdstock – la contrée de Thorellie – dans ma propre salle de séjour ! Il est probable que Valentine soit issue de cette contrée ; Kjeller l’en a suscitée pour qu’elle aide Gj Kallenavne à défaire Ed Charlou et ses potes ; à la fin, Gj s’y laissera sans doute entraîner.

mercredi 17 avril

(4h29 du matin)
Si j’avais à parler de ce que je suis en train d’écrire, je dirais ceci : Vous avez cinq bonnes minutes ? Car j’ai cinq bons récits sur le feu, dont deux et demi sont terminés. Et un sixième se profile.
Le premier est un roman qui met en scène un trio composé de deux jumelles et d’un jeune garçon, ainsi que d’une mystérieuse justicière masquée à l’existence aléatoire. L’histoire se passe dans l’Yonne, terreau de bien des serial killers – Emile Louis, Trieber et même le fameux docteur Petiot de Villeneuve-sur-Yonne – et met aux prises notre trio de préadolescents et un tueur qui sème dans la campagne des victimes qu’il étouffe avec une drôle de machine. Qui est l’héroïne masquée ? Une jumelle, l’autre jumelle, ou bien… ? Le titre en est Le Chevalier Compost. C’est écrit dans l’esprit des Fantômette de Georges Chaulet. (270 000 signes.)
Le second m’a pris exactement 50 ans à l’écrire. Il s’intitule Le retour du prisonnier de la planète Mars. Certains d’entre-vous connaissent le livre de Gustave Le Rouge, paru en 1906, qui raconte les mésaventures d’un homme projeté sur l’astre d’épouvante par la force psychique de 10 000 fakirs. Là-haut, il doit se battre contre des Vampyres, eux-mêmes nourriture du Grand Cerveau « haut comme le mont Blanc ». Il vous suffit de savoir que ce personnage se nomme Robert Darvel pour comprendre le sel de l’affaire. Un siècle s’est écoulé ; je suis toujours là – et je retourne enchanter Mars, en passant par l’Algérie, la Kroumirie et l’Inde. (La première version de 600 000 signes a été réduite à moins de 300 000.)
Une bande dessinée avec Patrick Dumas, intitulée Araknia – en aérostat vers les étoiles qui raconte le périple initiatique et interastral d’un homme (mort ?) entrainant son épouse, sa fille et son gendre vers les confins d’une ceinture d’astéroïdes peuplée d’araignées et de poulpes de l’espace, et ceci en aérostat piloté par un mystérieux Queequeeg tatoué. (Le synopsis est détaillé dans son entier, et story-boardé pour moitié.)
Sur la planche à pain, deux autres romans :
L’un, Moi, Ogrur le minuscule, se dévoile comme une sorte de croisement entre Les minuscules de Roald Dahl et un récit post-apo : suite à un saccage écologique, des personnages de 5 cm de haut doivent traverser un jardin dévasté et mutant vers un mythique mésopotager susceptible de leur permettre de survivre. Les pires créatures qu’ils devront affronter sont des néologismes rebutants. Là aussi, il y a des jumelles, mais celles-ci apprennent à voler en observant des libellules mutantes. (Rédigé pour moitié, il ne devrait pas dépasser 300 000 signes.)
Et le dernier, Tous mes potes sont des bâtards (titre de travail) qui se développe devant mes yeux étonnés, est une sorte de polar social ancré dans la réalité de la région où je vis (le pays d’Othe) qui bifurque vers la Norvège et donc vers le conte nordique, écrit et traité à la sauce sud-coréenne (c-à-d avec une variété de ton imprévisible). Là aussi, il y a une gamine invisible, des personnages véritables – vous et moi – ainsi que des choses réalistes et des choses magiques. Je le destine à une traduction en norvégien (par l’entremise de l’épouse norvégienne du consul de France à Londres) afin de répondre à l’invasion de polars scandinaves. (150 000 signes en place ; moins de 300 000 visés.)
Une fois expédiés ceux-ci, se profile un spin-off de L’homme qui traversa la Terre se passant exclusivement au centre de la planète et racontant ce qu’il est advenu d’Emerance de Funcal et de Louis Zèdre-Rouge, et s’attardant avec plus de précision sur les Caustes et d’autres créatures vivant en-deçà de la lithosphère. Titre pressenti : Les Robinsons gyroscopiques.
Puis ensuite, j’attaque un gros truc qui nécessite de la documentation, du souffle et une immersion de plusieurs mois. Pour retrouver le plaisir procuré par l’écriture de Femmes d’argile et d’osier.
Il est 6h, le jour pointe – et j’ai tracé les grandes lignes du chapitre 10 de TMPSDB.

jeudi 18 avril

Chastragnette a passé une demi heure la truffe dans un trou du jardin, qu’elle se frotte régulièrement avec la patte, et elle y retourne : elle mange des fourmis. Vu Boogie Nights (Paul Thomas Anderson) : plaisant de voir tous ces acteurs cabotiner à la limite du mauvais goût.

vendredi 19 avril

Lu Les jumeaux de Black Hill (Bruce Chatwin), traversée d’un siècle racontée comme le font des ricochets sur l’eau, de loin en loin, d’année en année. Sur la fin, les frères fêtent leurs 80 ans par un tour d’avion au-dessus de leur pays. Lu ce chapitre ce matin dans le jardin, fauteuil au soleil, bruits d’enfants, oiseaux, insectes, herbe tondue, et une chatte allongée à côté. Les larmes me sont venues. La vie. Ai pensé aux papas de Chastragnette, de l’autre côté de la départementale. Ont passé leur vie ici, ensemble, pas d’épouse, pas de descendance. Je vais les écouter parler, avec un papier et un crayon, j’y songe depuis longtemps, je vais écrire leur livre. Je suis certain d’entrevoir certaines choses magiques. Une colonne de soldats de plomb sans tête défilaient sur le rebord de la fenêtre. (p. 233)

samedi 20 avril

Hier soir, concert intimiste de Leonore Boulanger / Jean-Daniel Botta / Benjamin Petit Delor / Bruno Montalo au Maquis. Y a-t-il au moins des grenouilles en Croatie ? Il est difficile d’idéaliser l’estomac. Il est désagréable de penser que la fin, quand elle viendra, sera probablement causée par quelque détestable croissance fongueuse au centre de notre sensibilité nerveuse. On préférerait être mangé par des poissons argentés plutôt que par un gros polype couleur de plomb. (John Cowper Powys) La SF : une fabrique de futurs obsolètes. Mon âme est dolente, elle est d’eau lente ; sculptée par une autorité coercitive, elle revient lentement, mais toujours, à sa sa forme initiale. Si l’âme n’existe pas, alors les yeux ne sont pas de fenêtres ; ce sont des yeux. Comment affronter une administration qui, hors éditorialistes et forces de l’ordre, n’existe quasiment pas au-delà d’elle-même

dimanche 21 avril

Vu Thunder Road de et avec Jim Cummings : périlleux, juste en équilibre. Tout à l’heure, trentenaires à la sortie de l’église de Cerisiers, passant devant deux policiers armés : c’est une bonne chose de se sentir en sécurité, de savoir qu’on nous protège. Lu Les libertins du ciel (John Boyd) : un régal.

JOURNAL 2019 / semaine 16

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.