El Dorado (Carlos Saura) : enfin déniché (sur The Pirate Bay) une version correcte et sous-titrée en anglais du film. Que dire ? L’ombre d’Aguirre-Kinski est là, à chaque plan. Je ne sais pas quelle a été la volonté de Saura de tourner la même histoire 15 ans après Herzog (bien que le statut culte du Herzog soit venu plus tard, mais un cinéaste a l’œil sur les films des collègues qui traitent d’un même sujet). Tout est honorable, mais sans aucune profondeur – sinon le plan final, un travelling avant sur la rive du fleuve où les arbres ressemblent à l’entrée de l’Île des morts de Boeklin. Le visage de Gabriela Roel et celui d’Inès Sastre (qui n’a pas 15 ans au moment du tournage) sont néanmoins aussi troublants que celui d’Helena Rojo et de Cecilia Rivera.
Les médecins travaillent comme des malades ; comme eux, ils sont à bout souffle.
Il apparaît clairement que la planète est un espace de confinement.
Aujourd’hui piétine sans les voir les promesses et les conditionnels d’hier.
Nous voici tous devenus Howard Hugues.
Qu’en est-il de la biroute à Griveaux, de Pénélope Fillon, de l’écriture inclusive, des retraites, des Césars, de l’isolation à 1 € ?
Des auteurs continuent de créer, même sous la barre de visibilité comptable des sorties cinéma et du couperet Marvel / DC / Les Tuche. La création se tirera de cette époque, comme elle a survécu à l’Inquisition, à Franco et à la marche du monde.
Quand il s’élève, l’esprit devient cinglant. Comme le fouet sur le dos des esclaves.
La littérature française est chétive ; lorsqu’elle ne l’est pas, elle est polémiste.
L’autoritarisme ? Faiblesse et incompétence absolues. Leur seul tropisme est et restera d’assaillir les libertés.
Depuis que Chastragnette a attrapé un rouge-gorge, on la surnomme Gris-poil.
Calvary (John Michael McDonagh) : un film étrange dans la forme. Très beaux paysages (County Sligo / Benbulben), très belle musique, acteurs au discours écrit sec. Assez déconcertant, mais qui se tient intelligemment à sa proposition initiale.
Boris Johnson nommera ça coffinment.
L’Étoile des mers (Joseph O’Connor) : Je ne connaissais pas l’auteur, j’avais depuis longtemps deux de ses livres dans la bibliothèque. Je suis tombé sur le premier. Ai appris qu’il est le frère de Sinéad. 1847 : immigrants irlandais vers New York. Conditions épouvantables. Certains hommes recherchent dans le pouvoir une certaine excitation, d’autres sont excités par le simulacre de l’égalité. (p.81). C’était un homme […] qui, pour construire les fondations de sa chaumière, avait récupéré les pierres tombales de ses ancêtres. (p. 125). Où qu’on aille, il y a toujours une banque. (p. 157). tous les maîtres, si l’on considérait les choses de manière objective, étaient des imposteurs (p. 270). Sous une croûte boueuse, un tibia de chèvre. (p. 274). Au final, comme l’écrit l’auteur p. 163, Une bonne vieille histoire bien ficelée, dans laquelle le lecteur puisse planter les crocs.
Ce qui est rassurant quant à la propagation du Covid-19, c’est qu’il y a chaque jour plus de décès que de cas. On peut encore mourir d’autre chose.
The bookshop (Isabel Coixet) : un film bien mené sur une nénette qui ouvre une librairie dans un petit village anglais au moment de la sortie du Lolita de Nabokov. Bill Nighy est impeccable.
Don’t Worry, He Won’t Get Far on Foot (Gus Van Sant) : pour Joachin Phoenix en alcoolo tétraplégique auteur de cartoons et surtout Jonah Hill (déjà remarquable dans Le stratège), personnage époustouflant. Et Udo Kier dans le rôle du mec assis sur une chaise sans rien dire ou presque.
Le règne du gorille (Lyon Sprague de Camp) : je cherchais un truc léger à lire entre deux pavés. Des savants et une troupe de danseuses ont un accident d’autocar dans un tunnel ; ils se réveillent quelques millions d’années plus tard, avec tout un tas de préoccupations. Ne me demandez pas pourquoi un écureuil est aussi gros qu’un vache, je n’en sais rien ! En tout cas, ça doit faire de beaux biftecks. (p 45). et d’ailleurs, qui aurait mangé de la chauve-souris ? (p. 91). Naturellement, c’est un lapin géant. (p. 98). Que je devienne un âne géant si nous ne roulons pas sur des champs labourés ! s’écria Barnes. Ces gorilles ne sont qu’une bande de péquenots, voilà tout. (p. 127). Il faut vous dire que nous possédons une équipe de savants dont l’unique mission est d’étudier le mécanisme gouvernemental et de l’améliorer sans cesse. (p. 183). Et, de toute façon, que nous soyons à pied ou à cheval, je veux dire à cochon, les Pfenmlls sont quand même dix fois plus nombreux. (p. 225). Les humains de l’histoire, femmes et hommes, doivent se promener nus, ce qui ferait du roman un film rigolo.