2021 / chapitre 10

Facebook me permet de me diluer dans les curiosités des autres.

Le chemin de l’espace (Robert Silverberg) — Il existe un oiseau, sur Vénus. (p. 121). Martell n’avait encore jamais été attaqué par une grenouille. (p. 123).

Dernière nuit à Montréal (Emily St. John Mandel) Suivit une longue pose durant laquelle elle devint méthodiquement moins poilue. (p. 39).

Le voyageur des siècles (Noël-Noël) — Et moi, je serai un autre ! s’écria le professeur en s’énervant : je serai peut-être blond ! ou blonde ! eh oui ! je serai peut-être une fille ! pourquoi pas ? Je vous dis : je suis très inquiet ! (p. 139).

Je lis quatre pages de Maurice à la poule (Matthias Zschokke), je suis happé ; je lis quatre pages de Delius, une chanson d’été (Sabrina Calvo), je m’ennuie. Le premier donne la promesse de tomber sur des fulgurances inattendues au détour d’une page ; l’autre fait miroiter l’application d’une pommade verbeuse sur un dispositif narratif rebattu. Dans l’un, l’emploi des mots surprend ; dans l’autre, il fait naître un bâillement qu’on suspecte très long. Calvo chapitre Un, crime. Je continue de lire Zschokke et j’éclate de rire sans deviner de quoi il va me parler. Je vais tenter, tout de même, de reprendre Calvo – médisance n’est pas critique. Chapitre Deux commençant par un détail, forcément énigmatique, d’une scène générale qui incite – oblige – à continuer la lecture. Lassitude d’avoir à subir le procédé. et tout ce qui pouvait le flatter lui plaisait. (Calvo, p. 18).

Je m’interroge sur la nature d’un chapitre. Procédé de découpage nécessaire à la parution en feuilleton, mise en haleine – ou, considérant le processus d’écriture et non le roman, pose repas, pause sommeil de l’auteur ; auquel cas, ce serait l’irruption des contraintes de la vie vraie et vécue dans le récit-fiction, et, pour certains livres, la seule partie intéressante, celle où on peut sentir l’écrivain en tant que personne réelle, bien mieux dévoilée que par ses verbosités (comme les paragraphes-repas chez Jean de la Hire). On le voit abandonner sa table, se lever, aller manger, obéir à une nécessité, dormir. La nature de l’interruption du récit doit être décelable, si on regarde de près la partie de la page laissée blanche, si on scrute les plaies de l’histoire fictive de chaque côté de la coupure où gît la réalité du monde de l’écrivain. Et si certains trichent, remontent leur ouvrage, en remboitent les parties, cela se voit.

Sinon, je décide de ne plus lire de livres qui ne respecterons pas la précieuse austérité typographique qui sied à une bonne concentration de lecture : police de caractères qui ne dispute pas son intérêt au texte, numéro de page. Point. Rédhibitoires, les simagrées, fioritures et jeux de casses.

Césars : pas vu, pas lu. Donnent tout de même l’impression de souris correctement nourries, pissant et protestant sans talent sur la litière de leur cage. Sans cage, pas de rébellion filmée possible. Tout à leur art, elles fouineraient, libres, efflanquées et inconnues de beaucoup.

Comment s’y prend-on, scientifiquement, pour mesurer l’écoulement du temps ? Quelle est la durée immuable prise pour étalon, et comment est-on assuré de son immuabilité, sinon en recourant au temps ?

Avant, lorsqu’il était nécessaire d’effectuer une recherche sur tel ou tel sujet, on allait à la bibliothèque ; là, on rencontrait une jeune fille dont on pouvait tomber amoureux. Maintenant, on cherche sur le net et on tombe vite sur une Pamela qui te refile illico un selfie de son fessier en pièce jointe.

Fiction est revenu. C’est une revue de crochet.

J’aime la saillance-fiction, dit la pin-up violée par un Vénusien en couverture.

Écrivez des trucs sans vous préoccuper que ce soit non-viable : quand c’est viable, l’éditeur l’assassine.

2021 / chapitre 10

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