lundi 23 décembre
Dans la nouvelle Les Hauts® Parleurs® (qui me fait furieusement songer à Siné avec les jeux de mots sur les chats), Damasio® use, à propos d’un personnage, de la mise en garde suivante : autre chose surtout que l’exposé didactique de nos valeurs – c’est pourtant exactement ça, cet auteur : un exposant didactique. C’est très expliqué, très démontré. L’altermonde, terrain de jeu, existe – dieu soit loué ! – grâce au capitalisme, lui-même mis en place grâce à une absence de contre-pouvoir et une inertie nécessaires à l’enjeu narratif. Néanmoins, indéniable talent, la vente aux enchères des mots avec le sémantiquaire est une belle trouvaille. Pour autant, il n’y a aucune étrangeté. Mais – défaut d’incrédulité – ce qui s’écroule et retourne au néant sous la charge militante ne me convainc pas que ça ait jamais pu vraiment exister. De mémoire (et en rapport avec le thème du langage), la nouvelle de Lisa Tuttle Le remède est beaucoup plus forte, beaucoup plus subtile mais elle ne parle pas du présent).
Les furtifs chp 5 : ça continue, Stay focus ! Map refresh ! Sniped ! Barbant. Et comme appât narratif, le truc Interstellar : rapport/quête père/fille. 700 pages. Ouch. Traque de l’équipe dans une re-construction en pâte de résine à tartiner d’un espace ludique pour bobos, avec souvenir de la fillette pour arc dramatique. Leur progression obéit à un ésotérisme technologique un peu roboratif. Périlleux de s’en remettre à l’indulgence du lecteur. Point positif : la singularisation typo des points de vue par personnages fonctionne plutôt bien. Pour le reste, l’autre limaille typo, toujours pas pressenti le propos ni la nécessité.
Les furtifs chp 6 : le phrasé haché de Céline, celui d’Ellroy te prennent et ne te lâchent plus, c’est un procédé narratif qui t’enchaîne à l’histoire. Celui-ci est un chouïa encombrant plus qu’entraînant. Il ne paraît pas avoir d’autre nécessité que cosmétique, superficielle, un packaging. Échange/bilan immersif entre le général et les traqueurs, passage plutôt réussi. L’univers créé donne le sentiment de se plier/déplier en fonction des besoins des discours antagonistes tenus par les personnages (le laïus sur l’historique et l’avenir incertain du service traque). De manière théorique plus qu’effective. Vincelles est un cérébral, un neuronal (p. 143) ; l’auteur aussi, qui, pour humaniser l’affaire, a recours à la ficelle famille ? (Quoi d’autre ?) [Saskia] parle très bien, avec un débit fluide et modulé, sans avoir de difficulté à trouver les mots justes (p. 148) : voilà, Alain, fais-en autant ! Et puis, patatras, page suivante, toujours Alain qui parasite le verbe de Saskia en plaçant dans sa bouche (elle qui s’exprime très clairement sans avoir recours au jeu), l’expression un tantinet lourde : arme de distraction massive, irrépressible envie chez l’auteur de jouer avec le blabla, les mots-valises, inoculée aux personnages, ce qui leur ôte une substance propre. Et pourtant, plus loin, il y a un tremblé dans la ritournelle. Le temps d’un trajet en Air-Train, on entrevoit les jachères publiques des villes abandonnées par le privé, mais pas encore acquises à ses habitants. Conforteresses.
mardi 24 décembre
Les furtifs chp 7 : au rayon rigolo, les new-âgeux qui tournaient à deux massages par jour et trouvaient que l’encens, ça sent bon ; TongTown. Quand un personnage se met à danser, Damasio dit tout de suite : ce qu’il fait n’a pas de nom, ou tous les noms (l’appétit de mots de Damasio passe avant la description visuelle de ces danses, il soupire d’aise avant l’énumération). La description des Alters est essentiellement parodique (les Balinais joueurs de gamelan, les hors-bords solaires, etc.) ; ce qui induit que le néo-libéralisme vu précédemment l’est aussi… Et s’écroule l’enjeu dramatique. Surtout qu’on apprend que Tishka, la fille de Lorca, a été sans doute enlevée par une déïté balinaise. OK. Sans doute une fausse piste. Reste 400 pages. Les furtifs: la transformation du monde en caractères accentués. Un bouquin qui tient debout le temps d’existence du lectorat visé. Et Damasio se forge un style non pas en saillies fines, en fulgurances propres, mais avec un enduit typographique tape-à-l’œil. Rien d’antipathique au demeurant – du Foenkinos branchouille sans arc réflexif véritablement pertinent, qui se déroule confortablement pour le lecteur. Aïe. Tout cela n’est que mon impression au gré de la lecture, pas une coupe réglée acrimonieuse de l’affaire. J’étais disposé à découvrir plus charnu, plus sévère, pas un livre-témoin, au sens d’un appartement-témoin décoré au goût de tous les futurs propriétaires pressentis.) Certaines descriptions musicales me font songer aux imbitableries de Bayon ou d’Yves Adrien dans Rock & Folk des années 80 (p. 181). Qui se souvient de Novövision ? Ha ha. Le futur de Damasio trahit sa cérébralité seule par l’absence de véritables détails triviaux. (Faut dire que je lis un Lansdale en parallèle, Les marécages, qui nous restitue les années 30 au Texas.) Joli portrait de Tishka en buisson à croissance folle (p. 189). Page 194 on retrouve le pendant du cube techno du début – mais balinais et en bois. OK. Illusion du temps cyclique, horloges rondes versus instant qui passe et qui ne reviendra jamais (p. 197). Jargon pourri (p. 199).
La terre tourne sur deux axes simultanés et différenciés.
Songez à ce qu’ignorent les services de renseignements ; rebaptisez-les.
Va mett’ ça (Paradis).
mercredi 25 décembre
Les furtifs chp 8 : gyronimo, Ça craint du boudin, Ils ont des guns… OK, je sais ce que je lis. Une pochade dont le développement subversif ne dépassera pas un certain degré. Vont retrouver la gamine, vont filer du côté des furtifs. Encore 500 pages. Je continue ou pas ? Tiens, voilà Banski (p. 219). Aujourd’hui, essayez de squatter un toit d’immeuble : la flicaille déloge en un rien de temps ; là, en 2040, alors que l’outil néolibéral-privé a atteint un summum d’efficacité, les Alters arrivent sans problème à vivre sur les toits. Palettes, terre, eau, anneaux solaires, éoliennes, déplacements aériens, passerelles, harpons… Occupation interstitielle réprimée avec une lenteur due au manque de moyens d’Orange (qui a racheté et privatisé Orange…) Tout ça pourrait donner de belles pages, mais toujours ce ton explicatif qui assèche la réalité des choses. Dommage. OK, Lorca se souvient – refoulement abyssal – d’un coup du graffiti sur le mur de la chambre de sa fille (on n’y avait pas accordé d’importance, eux qui avaient relevé les empreintes sur les poignées…). Style + incohérences, je cesse trop souvent de croire à l’histoire.
Les furtifs chp 9 : je serai tout de même allé jusqu’à la page 239. Désolé Alain, je ne suis sans doute pas le lecteur désiré. Malgré l’inventivité de la démonstration, la quête de la gamine me paraît un machin trop fluet pour aiguiser ma patience face au style narratif choisi. Je n’entends pas les personnages ; c’est toi qui parle, uniformément, à travers les cinq bouches énumératives choisies. Et je redoute ceci : que la gamine, une fois revenue, se révèle être ta sixième bouche. Ton livre, je ne l’ai pas acheté ; je l’ai emprunté à la bibliothèque. Il y sera pour d’autres lecteurs mieux disposés que moi. Je retourne à Joe R. Lansdale et ses marécages
jeudi 26 décembre
Les marécages (Lansdale, p. 132) : lui raconter des bobards sur les Indiens, les gens qui habitaient au centre de la Terre, et les planètes où les hommes vivaient dans les arbres tandis que les singes se déplaçaient en bateau sous une lune bleue… Donc, bobard est un possible synonyme de conjecture.
à la façon dont il fonctionne, le monde d’aujourd’hui n’a aucun avenir. (p. 183).
et il aurait eu la voix aiguë même avec la tête dans un seau à sirop fermé par un couvercle. (p. 213).
Dylan : La version alternative de As I Went Out One Morning (dans Travelin’ Thru / Bootleg Series vol. 15) est infiniment supérieure à celle de John Wesley Harding.
vendredi 27 décembre
Les marécages : j’ai eu un doute au cours de la lecture, un personnage laissé en arrière-plan, avec un indice ou deux à peine appuyés, le coupable ne m’a pas surpris, mais c’est très bien fichu, sans effort de dissimulation ni jeu factice avec le lecteur. Très bon bouquin.
Les frontières fabriquent des bellicistes.
Revu C’est assez bien d’être fou.
Commencé à lire Rouge impératrice (Leonora Miano) : une uchronie sur l’Afrique ayant gommé les frontières de la colonisation. Chez Grasset. Couverture jaune sans illustration – sans personnage dessiné de dos en numérique. Fichtre.
samedi 28 décembre
Rouge impératrice chp 1 : un personnage, Ilunga, n’abusait du pouvoir de se rendre quasiment invisible. En fait, c’est une sorte de furtif…
dimanche 29 décembre
En route pour la Normandie et donc, La Quesnellière où nous passerons une partie de la