JOURNAL 2019 / Semaine 53

lundi 30 décembre

Qu’est-ce que la limaille typographique de Damasio permet d’atteindre que la manière classique ne permettrait pas ?

mardi 31 décembre

La Quesnellière. Koumpa doit aller chercher deux volumes de George Sand en Pléiade pour cadeau à Mouma. Catherine propose de les lui offrir. K. hésite puis dit OK. Le réveillon : K. donne les Sand et dit que c’est Catherine qui les offre. Donc, dit M. à K., tu me dois, en toute logique, un cadeau (puisque celui-ci – dont K. a eu l’idée, est offert par Catherine). Le ton s’envenime. Gros mots. Fin de l’année 2019.

JOURNAL 2019 / Semaine 53

JOURNAL 2019 / Semaine 52

lundi 23 décembre

Dans la nouvelle Les Hauts® Parleurs® (qui me fait furieusement songer à Siné avec les jeux de mots sur les chats), Damasio® use, à propos d’un personnage, de la mise en garde suivante : autre chose surtout que l’exposé didactique de nos valeurs – c’est pourtant exactement ça, cet auteur : un exposant didactique. C’est très expliqué, très démontré. L’altermonde, terrain de jeu, existe – dieu soit loué ! – grâce au capitalisme, lui-même mis en place grâce à une absence de contre-pouvoir et une inertie nécessaires à l’enjeu narratif. Néanmoins, indéniable talent, la vente aux enchères des mots avec le sémantiquaire est une belle trouvaille. Pour autant, il n’y a aucune étrangeté. Mais – défaut d’incrédulité – ce qui s’écroule et retourne au néant sous la charge militante ne me convainc pas que ça ait jamais pu vraiment exister. De mémoire (et en rapport avec le thème du langage), la nouvelle de Lisa Tuttle Le remède est beaucoup plus forte, beaucoup plus subtile mais elle ne parle pas du présent).

Les furtifs chp 5 : ça continue, Stay focus ! Map refresh ! Sniped ! Barbant. Et comme appât narratif, le truc Interstellar : rapport/quête père/fille. 700 pages. Ouch. Traque de l’équipe dans une re-construction en pâte de résine à tartiner d’un espace ludique pour bobos, avec souvenir de la fillette pour arc dramatique. Leur progression obéit à un ésotérisme technologique un peu roboratif. Périlleux de s’en remettre à l’indulgence du lecteur. Point positif : la singularisation typo des points de vue par personnages fonctionne plutôt bien. Pour le reste, l’autre limaille typo, toujours pas pressenti le propos ni la nécessité.

Les furtifs chp 6 : le phrasé haché de Céline, celui d’Ellroy te prennent et ne te lâchent plus, c’est un procédé narratif qui t’enchaîne à l’histoire. Celui-ci est un chouïa encombrant plus qu’entraînant. Il ne paraît pas avoir d’autre nécessité que cosmétique, superficielle, un packaging. Échange/bilan immersif entre le général et les traqueurs, passage plutôt réussi. L’univers créé donne le sentiment de se plier/déplier en fonction des besoins des discours antagonistes tenus par les personnages (le laïus sur l’historique et l’avenir incertain du service traque). De manière théorique plus qu’effective. Vincelles est un cérébral, un neuronal (p. 143) ; l’auteur aussi, qui, pour humaniser l’affaire, a recours à la ficelle famille ? (Quoi d’autre ?) [Saskia] parle très bien, avec un débit fluide et modulé, sans avoir de difficulté à trouver les mots justes (p. 148) : voilà, Alain, fais-en autant ! Et puis, patatras, page suivante, toujours Alain qui parasite le verbe de Saskia en plaçant dans sa bouche (elle qui s’exprime très clairement sans avoir recours au jeu), l’expression un tantinet lourde : arme de distraction massive, irrépressible envie chez l’auteur de jouer avec le blabla, les mots-valises, inoculée aux personnages, ce qui leur ôte une substance propre. Et pourtant, plus loin, il y a un tremblé dans la ritournelle. Le temps d’un trajet en Air-Train, on entrevoit les jachères publiques des villes abandonnées par le privé, mais pas encore acquises à ses habitants. Conforteresses.

mardi 24 décembre

Les furtifs chp 7 : au rayon rigolo, les new-âgeux qui tournaient à deux massages par jour et trouvaient que l’encens, ça sent bon ; TongTown. Quand un personnage se met à danser, Damasio dit tout de suite : ce qu’il fait n’a pas de nom, ou tous les noms (l’appétit de mots de Damasio passe avant la description visuelle de ces danses, il soupire d’aise avant l’énumération). La description des Alters est essentiellement parodique (les Balinais joueurs de gamelan, les hors-bords solaires, etc.) ; ce qui induit que le néo-libéralisme vu précédemment l’est aussi… Et s’écroule l’enjeu dramatique. Surtout qu’on apprend que Tishka, la fille de Lorca, a été sans doute enlevée par une déïté balinaise. OK. Sans doute une fausse piste. Reste 400 pages. Les furtifs: la transformation du monde en caractères accentués. Un bouquin qui tient debout le temps d’existence du lectorat visé. Et Damasio se forge un style non pas en saillies fines, en fulgurances propres, mais avec un enduit typographique tape-à-l’œil. Rien d’antipathique au demeurant – du Foenkinos branchouille sans arc réflexif véritablement pertinent, qui se déroule confortablement pour le lecteur. Aïe. Tout cela n’est que mon impression au gré de la lecture, pas une coupe réglée acrimonieuse de l’affaire. J’étais disposé à découvrir plus charnu, plus sévère, pas un livre-témoin, au sens d’un appartement-témoin décoré au goût de tous les futurs propriétaires pressentis.) Certaines descriptions musicales me font songer aux imbitableries de Bayon ou d’Yves Adrien dans Rock & Folk des années 80 (p. 181). Qui se souvient de Novövision ? Ha ha. Le futur de Damasio trahit sa cérébralité seule par l’absence de véritables détails triviaux. (Faut dire que je lis un Lansdale en parallèle, Les marécages, qui nous restitue les années 30 au Texas.) Joli portrait de Tishka en buisson à croissance folle (p. 189). Page 194 on retrouve le pendant du cube techno du début – mais balinais et en bois. OK. Illusion du temps cyclique, horloges rondes versus instant qui passe et qui ne reviendra jamais (p. 197). Jargon pourri (p. 199).

La terre tourne sur deux axes simultanés et différenciés.

Songez à ce qu’ignorent les services de renseignements ; rebaptisez-les.

Va mett’ ça (Paradis).

mercredi 25 décembre

Les furtifs chp 8 : gyronimo, Ça craint du boudin, Ils ont des guns… OK, je sais ce que je lis. Une pochade dont le développement subversif ne dépassera pas un certain degré. Vont retrouver la gamine, vont filer du côté des furtifs. Encore 500 pages. Je continue ou pas ? Tiens, voilà Banski (p. 219). Aujourd’hui, essayez de squatter un toit d’immeuble : la flicaille déloge en un rien de temps ; là, en 2040, alors que l’outil néolibéral-privé a atteint un summum d’efficacité, les Alters arrivent sans problème à vivre sur les toits. Palettes, terre, eau, anneaux solaires, éoliennes, déplacements aériens, passerelles, harpons… Occupation interstitielle réprimée avec une lenteur due au manque de moyens d’Orange (qui a racheté et privatisé Orange…) Tout ça pourrait donner de belles pages, mais toujours ce ton explicatif qui assèche la réalité des choses. Dommage. OK, Lorca se souvient – refoulement abyssal – d’un coup du graffiti sur le mur de la chambre de sa fille (on n’y avait pas accordé d’importance, eux qui avaient relevé les empreintes sur les poignées…). Style + incohérences, je cesse trop souvent de croire à l’histoire.

Les furtifs chp 9 : je serai tout de même allé jusqu’à la page 239. Désolé Alain, je ne suis sans doute pas le lecteur désiré. Malgré l’inventivité de la démonstration, la quête de la gamine me paraît un machin trop fluet pour aiguiser ma patience face au style narratif choisi. Je n’entends pas les personnages ; c’est toi qui parle, uniformément, à travers les cinq bouches énumératives choisies. Et je redoute ceci : que la gamine, une fois revenue, se révèle être ta sixième bouche. Ton livre, je ne l’ai pas acheté ; je l’ai emprunté à la bibliothèque. Il y sera pour d’autres lecteurs mieux disposés que moi. Je retourne à Joe R. Lansdale et ses marécages

jeudi 26 décembre

Les marécages (Lansdale, p. 132) : lui raconter des bobards sur les Indiens, les gens qui habitaient au centre de la Terre, et les planètes où les hommes vivaient dans les arbres tandis que les singes se déplaçaient en bateau sous une lune bleue… Donc, bobard est un possible synonyme de conjecture.

à la façon dont il fonctionne, le monde d’aujourd’hui n’a aucun avenir. (p. 183).

et il aurait eu la voix aiguë même avec la tête dans un seau à sirop fermé par un couvercle. (p. 213).

Dylan : La version alternative de As I Went Out One Morning (dans Travelin’ Thru / Bootleg Series vol. 15) est infiniment supérieure à celle de John Wesley Harding.

vendredi 27 décembre

Les marécages : j’ai eu un doute au cours de la lecture, un personnage laissé en arrière-plan, avec un indice ou deux à peine appuyés, le coupable ne m’a pas surpris, mais c’est très bien fichu, sans effort de dissimulation ni jeu factice avec le lecteur. Très bon bouquin.

Les frontières fabriquent des bellicistes.

Revu C’est assez bien d’être fou.

Commencé à lire Rouge impératrice (Leonora Miano) : une uchronie sur l’Afrique ayant gommé les frontières de la colonisation. Chez Grasset. Couverture jaune sans illustration – sans personnage dessiné de dos en numérique. Fichtre.

samedi 28 décembre

Rouge impératrice chp 1 : un personnage, Ilunga, n’abusait du pouvoir de se rendre quasiment invisible. En fait, c’est une sorte de furtif

dimanche 29 décembre

En route pour la Normandie et donc, La Quesnellière où nous passerons une partie de la semaine 53.

JOURNAL 2019 / Semaine 52

JOURNAL 2019 / Semaine 51

lundi 16 décembre

Raymond m’apporte deux têtes de sanglier. Je vais donc passer deux jours à les ébouillanter, à en ôter les poils et la peau, à les faire cuire dans des aromates, à en ôter la chair, à la refaire cuire dans un bouillon et à faire des bocaux pour stérilisation.

mardi 17 décembre

La journée s’est exactement déroulée comme anticipé hier.

mercredi 18 décembre

Je relis SIVA : ce bouquin est absolument imbitable pour qui l’attaquerait sans rien connaître de Dick. Pas d’intrigue, un dispositif avec un personnage narrateur dédoublé ; un catalogue de trucs grave barrés. L’Exégèse. Ce fatras. Mon dieu.

Ceci dit, ce qui prime là-dedans , c’est l’indétermination et l’application qu’en fait Dick est fascinante, cette élaboration-destruction perpétuelle avec, en bonus, toujours, l’humour.

Alors que dans Ad Astra (James Gray, Brad Pitt), pas d’humour, nulle part, l’indétermination est sérieuse, pesante et stérile : quel est le propos du film ? Quel est la raison des passages d’action, la poursuite sur la Lune, les singes norvégiens : OK, il y a des détrousseurs de grand chemin sur la Lune, OK, il y a des expériences de laboratoire dans l’espace, mais qu’est-ce que ça a à voir avec la cible du récit ? Et donc le père-prétexte-à-quoi ? C’est un chouïa décousu, sans nécessité et surtout sans brio ni lâcher prise. On dirait une version sérieuse et non assumée de The Mandalorian, pour ce qui est des péripéties. Et la tension basse de Pitt ? L’affaire m’a laissé perplexe. Un truc : la mollesse me semble être le thème de prédilection de Gray (cf. Lost city of Z). Reste un catalogue convenu des habituelles vues de la Lune (cf. Moon et For All Mankind) et l’espace. Mais là aussi, Interstellar réussissait à être plus dépaysant. Bref, à ces deux films, j’ai tout de même préféré Prospect.

(De plus, dans Interstellar comme dans Ad Astra, le père est encombrant ; dans Prospect, il se fait dessouder rapido.

Malgré mes efforts et mes affinités, je ne suis pas écrivain de genre (SF, fantastique, etc.) ; je vise à une littérature incertaine. Et d’autant incertain est le lectorat. Et quid de l’éditeur ?

La naissance est un accident et la vie, ensuite, un délit de fuite.

Il est utile de dénier un sens aux choses.

jeudi 19 décembre

[Thème de cette anthologie] : demander à des auteurs SF de se mettre en scène comme personnage descendant de sa fusée pour tirer des observations de notre réalité quotidienne (la vraie, celle que vous et moi éprouvons pour de bon en ce moment) sans détour ni spéculation. Juste consigner le détail de ce qu’ils ont sous le nez.

À travailler sans méthode (ou disons sans obéir à ma propre méthode), je perds certainement un temps fou, réécrire, revenir, ajouter, modifier, etc. – mais j’éprouve la validité même de l’écriture face à la vie de tous les jours. Ce n’est pas un refuge. Je ne m’immerge pas dedans, je la confronte aux tracas d’une journée, aux pistes données par mes lectures. Je mesure l’entêtement de la fiction et ses manières d’exister face au réel.

Tous ces superhéros sont plus fortiches que son père. Les comics sont donc un dénigrement en règle du père.

vendredi 20 décembre

For All Mankind : ma série de l’année.

Les furtifs chp. 1 : ça commence par un type dans un cube blanc, qui doit capturer quelque chose d’invisible = auteur, feuille, récit (est-ce la représentation de l’inspiration à saisir, propre, intime, personnelle et une mise en garde du possible mimétisme de cette inspiration pour qui désirerait être original ?). Et je commence à vouloir balayer du bout des doigts les signes typographiques surnuméraires. Et ces furtifs ont-ils à voir avec Le glamour de Priest ? La présence du furtif dans le cube d’examen est un sacré coup de bol = je tique, suspension de la suspension d’incrédulité, en attendant l’explication à venir (manifestation de la fille de Lorca indiquée comme objet de la quête en 4e de couv ?) Un furtif est ce qu’on prend le temps de voir. Bim. OK.

Les furtifs chp. 2 : OK, LVMH a racheté Paris, Orange, Orange. Présent pseudo-futurisé à peu de frais. Terrain connu. Narration familière truffée d’anglicismes (et d’autres -ismes, me semble-t-il). Et les pinailleries typographiques soulagent l’auteur d’indiquer qui narre à tel ou tel moment. (Que va-t-il faire du temps ainsi gagné ?) J’opère une traduction simultanée des termes néotrucmuches, ce qui réduit à peu de chose le gloubiboulga de l’auteur – mais produit une sorte de déphasage pas déplaisant, quoique futile. Il joue la carte de la lisibilité sous le zinzin. On évolue dans le familier, dans le quotidien contemporain, pas dans le spéculatif. Une extrapolation de quelques années. Entre deux formules, cherchez l’optimale – plus forte quantité d’infos en un minimum de caractères (p. 49) : si j’aboute cette déclaration aux pinailleries typographiques utilisées (par économie, ai-je vanné) pour chaque personnage, l’auteur se veut-il hacker de son propre texte ? Lorca : pas d’empreinte thermique / clandestinité / jonction présupposée furtif/résistant…

samedi 21 décembre

Encore une belle soirée au Maquis hier : concert de Valentin, puis causerie avec lui, Aurélien et les tenanciers. Le métier de chanteur est incertain.

Les furtifs chp. 3 : en 2040, on citera toujours Deleuze (là, l’auteur court-circuite la crédibilité du personnage fictif). La description du café-espace de travail Ikea est trop ressemblante à notre présent, l’effet pseudo-futurisé en devient embarrassant plus que conjectural. C’est un futur où le présent colle trop, comme un chewing-gum sous une semelle de vent. Certaines choses sont finement dépecées (les degrés de liberté) ; puis l’utilisation du mot friendly, et celui de storytelling arrive, pesants car trop connotés présent. Bref, je suis à moitié convaincu. L’affaire est fluide, mais ressemble trop à un album de coloriage du présent aux couleurs d’un proche futur, effectué avec application, sans déborder. La typographie/personnage fonctionne (mais ces passages avec des points sur pas mal de lettres me chiffonnent – qu’est-ce que ça signifie ? C’est les pensées au stade brouillon ? Certaines typographies soulignent-elle le mode conditionnel de la pensée du personnage ?). Encore un anglicisme : fake memory syndrom. Leur emploi est-il du domaine de la raillerie des habitudes actuelles ? Pas sûr. Les pédophiles ne volent pas dans le ciel en ballon = hop, une idée d’histoire, merci. (Dommage, ça aurait fait décoller le récit, cette déconnade hors de propos.)

Les furtifs chp 4 : suite de la promenade un peu plan-plan dans le néoprésent. L’auteur cède souvent à l’envie de jouer avec le langage (cf. Agüero) ; ceci + les anglicismes + les néologismes + la typo/personnages distrait et accapare l’attention plus que ça n’offre une immersion meilleure. Quant aux jeunes, ils disaient juste qu’il avait tué le game (p. 93) : les jeunes de 2040 parlent comme les jeunes d’aujourd’hui… Emploi du présent. Phrases courtes. Répétitions. Langage parlé. Argl, j’y suis : s’il y a un furtif clandestin là-dedans, j’ai bien peur que ce soit David Foenkinos. Est-ce une parodie cérébralisée ? Lorca le chasseur de furtifs va-t-il courir le danger à un moment d’avoir sa fille disparue au bout de son arme ? Splitscreen typo, OK pour les personnages. Mais le reste, la profusion d’accents, les l barrés comme des t, etc. : Damasio s’est-il laissé enivrer par les effluves montant de son clavier ? Jolie portrait de Nèr qui veut tout architecturer. On pourrait dire que c’est réussi, et on pourrait regretter que ce soit chichiteux.

Un après-midi pluvieux – plus vieux d’un jour.

dimanche 22 décembre

Vu The man who cried (Sally Potter) : Johnny Depp en gipsy débraillé jusqu’au nombril et à cheval, Cate Blanchett en grande bringue russe arriviste, John Turturro en chanteur lyrique (ah, ah)… et Christina Ricci en sous-vêtements.

Les furtifs chp 5 : le néoprésent est essentiellement verbal (jeux extrapolés du langage d’aujourd’hui), de fait il peine à me convaincre d’une existence véritable. Il y a un mur de mots entre le futur et moi. C’est un décor monté pour les besoins d’une démonstration de la nocivité néolibérale contemporaine. Les personnages surjouent la familiarité avec leurs outils technoïdes. Tuer les furtifs qui déjouent, eux, l’identification n’est pas éthologique (p. 117). En fait, il n’y a pas de proposition d’un univers créé de toutes pièces, ainsi que la SF fonctionne (mais ce n’est pas le propos, hein). Grand souci de lisibilité conjecturale versus préciosité typographique, histoire de ne pas trahir la volonté d’écrire un roman imaginaire-friendly.

JOURNAL 2019 / Semaine 51

JOURNAL 2019 / Semaine 50

lundi 9 décembre

Avec le bébé Yoda, The Mandalorian exploite la nostalgie de la peluche-doudou ; pour moi, c’est la peluche Werner Herzog.

mardi 10 décembre

Me suis remis à la fois sur Caïman, sur TMPSDB et sur Insurrection.

mercredi 11 décembre

Tenir un journal, c’est lassant. Sans doute, en retombant dessus dans quelques années, je me dirai : tiens, 2019 a été ceci ou cela. Mais à écrire au jour le jour, l’exercice devient sans grand intérêt. Ce qui me traverse le crâne n’a de fulgurance que retenu par sa consignation au seuil de l’oubli. Le retenir, c’est s’encombrer d’un témoignage d’activité des neurones face au monde, une illusion maquillant l’inertie de l’existence. Et je dois sortir le container marron : demain jeudi, les poubelles passent. Avec un calendrier 2020, ah ah.

jeudi 12 décembre

We just didn’t verbalize it. (Jorma Kaukonen)

vendredi 13 décembre

Livres abandonnés en cours de lecture : La Capitana (Elsa Osorio) sur une figure historique de la guerre d’Espagne. Le style et le dispositif narratif confus ne m’ont pas incité à dépasser la première centaine de pages. Par contre, l’affaire m’a mis sur la piste de la révolte des ouvriers agricoles de Patagonie en 1922.

Et je ne suis pas certain de continuer à lire L’incivilité des fantômes (River Solomon). Il m’ennuie déjà.

J’ai tendance à laisser tomber les bouquins qui, au plus tard dans les trente premières pages n’ont pas ce que j’appelle la corde qui claque. Ouvrez par exemple SIVA de Dick : à peine trois paragraphes lus, vous avez eu un arpège de cordes qui claquent. Vous voyez ce que je veux dire ? Souvent, des dispositifs narratifs en mille-feuilles camouflent le vide de l’esprit du pâtissier qui les a montés, alors qu’une remarque au détour d’une phrase dans un récit sans esbrouffe entre illico en phase avec votre harpe intime.

samedi 14 décembre

Réécouté Mary Margaret O’Hara. I’ve got some friends – but they don’t know

Ce soir, nous présentons les voisins aux frères Chastragnat autour d’un coq au vin.

dimanche 15 décembre

Sortons de table après minuit ; y retournons chez d’autres amis à midi.

JOURNAL 2019 / Semaine 50

JOURNAL 2019 / Semaine 49

lundi 2 décembre

De retour à la Grange. Soulagé : fin de Sèvres courtois (mais relation rompue définitivement), concernant notre différend…

Et si la littérature n’était pas faite pour être préservée ou critiquée ?

mardi 3 décembre

Envoyé Le retour du prisonnier de la planète Mars à Malpertuis : le roman s’adresse aux Savanturiers, pas au grand public, pas d’utilité d’une diffusion plus large et par essence aléatoire. Il suffit qu’il soit présent dans les salons.

mercredi 4 décembre

Partant de l’idée que la forme achevée d’un roman ne peut être maîtrisable en amont de son écriture, il découle qu’un plan préalable n’est que l’ombre d’une histoire 1) qui n’existe pas et 2) qui est en mouvement.

jeudi 5 décembre

G r è v e.

vendredi 6 décembre

Pas de transport entre le lit et mon meuble de travail.

samedi 7 décembre

Soirée livres au Maquis. Ai apporté Parmi d’étranges victimes et Lu’men. Reparti avec un Vuillard.

dimanche 8 décembre

Dernière soirée goguettes, de haute tenue, puis lancement du livre Laisse les profiteroles à Denise, qui regroupe les meilleurs textes des deux années passées – mis en page par Le Carnoplaste. Et ensuite, projection du film C’est assez bien d’être fou : un road movie où on suit un graffeur et son copain de Paris à Vladivostok – en camion, puis en train. Un film très émouvant et plein d’humanité, qui sans doute plairait à Werner Herzog. Rencontres avec des laissés-pour-compte du système. L’un dit : L’anarchie est mère de l’ordre.

JOURNAL 2019 / Semaine 49

JOURNAL 2019 / Semaine 48

lundi 25 novembre

l’édition devient [tendanciellement] un lieu où il est impossible d’écrire (tiré de la lecture de Vivre sans ? de Frédéric Lordon).

mardi 26 novembre

Je suis de plus en plus tenté de louer les séries-qui-disparaissent, celles dont on a apprécié une saison (voire deux) et dont on attend sans vraiment l’attendre la saison suivante – qui tarde, qui ne vient pas (et sans doute, avec un peu de chance, ne viendra jamais). Le jeu à propos de ses possibles prolongations est certainement supérieur à ce que serait leur vision. (Et qui sait, elles réapparaissent sous nos yeux, affublées d’un autre nom, transplantées ailleurs, avec d’autres acteurs et un propos absolument différent – mais les mêmes car toujours susceptibles de s’arrêter elles aussi, et de disparaître à leur tour.)

mercredi 27 novembre

Cardiologue : pas d’évolution négative.

Reviendrons-nous jamais au temps où l’humanité arpentait la terre avec lenteur ?

Chaos is the worm.

Revu Queen of the desert (Gertrude Bell par Werner Herzog) : après avoir fait le deuil de Naomi Watts dans le rôle, j’apprécie Nicole Kidman. Et c’est un beau film lent.

jeudi 28 novembre

Génération à venir : après le passage en caisse d’un hypermarché, il y a une borne où présenter ses tickets, une loterie avec des réductions à la clé. Une jeune mère de famille présente donc les siens devant le lecteur optique. Assis dans le chariot, son môme de trois ou quatre ans copie le geste de maman.

vendredi 29 novembre

En route pour Sèvres.

samedi 30 novembre

Sèvres. Revu tout le monde. Causerie avec Laurent Genefort. Entretien avec Estelle Faye à propos de […]. Échangé avec Joyeux Drille des conditions d’attribution du prix Imaginales : sans se concerter, quatre des huit jurés sont venus avec mon livre.

dimanche 1 décembre

Repas des Savanturiers. Rencontre avec Jean-Baptiste Baronian, qui m’a communiqué son adresse personnelle. Sans doute attend-il mes Harry Dickson.

JOURNAL 2019 / Semaine 48

JOURNAL 2019 / Semaine 47

lundi 18 novembre

Me suis infligé The Mandalorian pour Werner Herzog. Où comment une sorte de cocotte-minute vantée pour être le meilleur chasseur de primes de l’univers se fait rouler par son employeur qui le paye en boulons ; est sauvé par un droïde issu du croisement d’une pompe à vélo et d’un tourniquet d’arrosage ; se prend une branlée par des roadies de Neil Young hauts comme trois couilles (cf. Rust never sleeps) ; se prend une branlée par une sorte de taupe qui pond des œufs type luminaire en ficelle de Nature et découvertes, mais avec du caramel à la place de l’ampoule ; est aidé par Nick Nolte qui mesure 1,20 m et a un masque en latex de Brad Dourif ; se mue finalement en baby-sitter d’un rejeton de Bambi et d’une scarole. Pal. Pi. Tant. Et mou, au moins ça repose. Je suis certain qu’il va croiser Bud Spencer et Terence Hill.

mardi 19 novembre

Lu deux polars : Un bateau plein de riz (Alicia Giménez Bartlett), sympathique. Et Les mers du sud (Manuel Vásquez Montalbán), une aventure de Pepe Carvalho. Chaque siècle construit ses ruines (p. 269).

mercredi 20 novembre

Échange avec le V. des Moutons, qui se félicite (et m’en fait part) de l’excellente remise en place de Femmes… par leur nouveau diffuseur, MDS (500 ex. pour janvier) et me confirme la sortie poche avec – tenez-vous bien – un bandeau. Par contre, j’ai appris que les Harry Dickson étaient partis au pilon – du fait d’Harmonia Mundi.

jeudi 21 novembre

Travailler cette notion de non explication dans les romans. Lutter contre l’idée du lecteur que ce qui ne propose pas d’explication est inachevé ou facile. L’écrivain n’a pas nécessairement à témoigner d’omniscience par rapport à ce qu’il décrit. En ne rationalisant pas, il convoque les courants sous-jacents de l’affaire.

Ce que j’ai à écrire vient d’une région largement en deçà des zones abordées par Scrivener ou autres méthodes préparatoires à l’écriture proprement dite, qui aident à sa cohérence factuelle, à sa structure, à son objet. C’est une non-méthode de révélation où se nouent des choses secondaires, où se rencontrent des détails jetés sur la feuille à mesure que j’avance. Je vois la structure sous-jacente apparaître et se révéler à mesure, sans intervenir autrement qu’en soupesant des possibilités. Lorsque je regarde un roman terminé, je me dis que j’aurais été totalement incapable de le penser dans son entière cohérence avant de le rédiger.

vendredi 22 novembre

En fantasy, l’envol inventif de l’esprit est cadré par la cartographie, les liens familiaux, les découpages politiques. C’est une représentation de contrées imaginaires asservie par les règles de la réalité.

samedi 23 novembre

Si la production du genre fantasy se sublimait grâce à toutes ces inimitiés – mais même pas, ces combats de frêles Conan de bibliothèque produisent des récits verbeux et insipides, aussi semblables les uns aux autres que les minuscules armes de figurines militaires.

dimanche 24 novembre

Le réel est si réel qu’aucun projectile théorique ne le perce jamais.

L’année prochaine, je tiendrai un journal où ne seront consignés que les jeudis.

JOURNAL 2019 / Semaine 47

JOURNAL 2019 / Semaine 46

Semaine 46

lundi 11 novembre

Rentrés.

mardi 12 novembre

Avons été chercher de la paille et du jus de pomme chez les Chastragnat. Nous ont raconté des trucs, comment Bernard a appris la batterie avec une pédale qui frappait le bas de la porte de sa chambre, les bals où il accompagnait les musiciens, une famille ayant formé un orchestre, avec le père imprésario et la mère, donc, immèrariote. Mémoire d’un ici sans autre changement que celui du temps qui passe.

mercredi 13 novembre

Remis sur la nouvelle à quatre mains avec Villacampa. Repris Caïman. Plan des 21 chapitres restants.

jeudi 14 novembre

Ai bien fait de tarder à prévenir les Moutons pour les livres à Sèvres : puisque je suis invité, c’est la libraire qui s’en charge (mais elle a des difficultés à se les faire livrer).

Catherine a commencé à rentrer les pots pour l’hiver. Elle a paillé certaines persistantes et que fait Chastragnette ? Elle dort dans la paille. Moins de deux mètres au-dessus d’elle, les mésanges picorent les graines mises dans un pot ; elle va bientôt être couverte de cosses de tournesol.

vendredi 15 novembre

Si Tic et Tac étaient islandais, ils se remercieraient ainsi : — Tak, Tic. — Tak, Tac !

Toujours veiller à avoir quelque chose à dire.

samedi 16 novembre

Anniversaire du frangin à Londres : lui ai téléphoné le matin, ai appris qu’il y avait un décalage horaire, hin hin.

Ramassage des pommes le matin, pressage l’après-midi, repas arrosé le soir : on braille de douleur dès qu’il faut s’assoir ou se lever.

dimanche 17 novembre

Idem. Plus repas chez Élisabeth. J’apprécie les discutions où l’on échange, ça repose des confrontations.

JOURNAL 2019 / Semaine 46

JOURNAL 2019 / Semaine 45

lundi 4 novembre

Sommes retournés marcher à La Frette-sur-Seine, où nous avons vécu dans les années 80. Le pavillon des bords de Seine est toujours là. En lisant Delirium, j’ai appris que Druillet a vécu à 50 m de là (mais 10 ans plus tard).

Le village est préservé, mais, plus haut, c’est du béton tout contre la voie rapide, des zones commerciales, etc.

Qui publie sur facebook un post pour exprimer son mécontentement vis-à-vis du parasitage des Utopiales par l’armée ? L’éditeur de Gagner la guerre . 🙂

mardi 5 novembre

Livre des Goguettes du Maquis mis en page.

mercredi 6 novembre

Livre des goguettes chez l’imprimeur.

Le club de la lutte = Fight club.

Drôle de rencontre : nous avons mangé le bouillon d’une poule-au-pot, poule qui vient de chez le voisin, au bout de la rue, à 30 m. Avons ajouté des vermicelles chinois. Qui viennent de Chine. À 9 000 km.

Demain, Ardèche.

jeudi 7 novembre

Ardèche / Lisa. Le coin est chouette. Pensons à y déménager.

vendredi 8 novembre

Lapin et polenta chez François Corteggiani, avec Christophe Alvès, Baptiste et son épouse Cécile.

samedi 9 et dimanche 10 novembre

Salon du polar de Villeneuve-lez-Avignon. Un des meilleurs salons jamais faits. Merci Corinne Tonelli ! Logé dans une cellule de la Chartreuse, nourri dans le cloître, défrayé ET honnêtement rétribué pour proposer ses livres à un public de lecteurs qui, ne connaissant pas, achètent et, lorsque je signale que Femmes d’argile et d’osier et L’homme qui traversa la Terre ne sont pas des polars, répondent : ça change ! et partent avec. Vendu 14 du premier, huit du second et une vingtaine de fascicules Harry Dickson (plus un Béla Bartók et deux Nicollet). Acheté un Vásquez Montalbán (jamais lu de Pepe Carvalho) et Parmi d’étranges victimes de Daniel Saldaña Paris. Et pendant ce temps, dans le merveilleux petit milieu de la SFFF, on s’écharpe à propos de militaires et on se désamifie avec ardeur de facebook.

JOURNAL 2019 / Semaine 45

JOURNAL 2019 / Semaine 44

Nom de dieu ! Déjà vendredi et je n’ai rien pensé qui puisse être écrit dans mon journal ! Je suis tout vide de la tête ou quoi ? Qu’ai-je pensé qui ne soit pas assez doré sur tronche pour passer à la postérité ? Suis-je devenu un idiot au jus cérébral aussi insipide que de l’urine de poisson rouge ? Ne suis-je pas même capable de parler au moins, je ne sais pas, de ma mutuelle ? De mes problèmes de voiture ? N’ai-je rien à dire sur nos hommes politiques ? Sur le voile ? Sur Joker ? Ha ! Aurais-je passé mes heures à faire autre chose que de m’écouter ? Aurais-je vu des gens ? Aurais-je lu ? Travaillé à Caïman ? (Oui : je boucle le chapitre 23.)

Ai-je au moins assuré une permanence sur facebook ? Même pas – ou le strict minimum, deux likes jetés au hasard comme deux grains dans une basse cour.

Me suis-je usé au moins dix minutes les méninges à trouver un sens à quelque chose ? Pas certain. Mais lundi, on a mesuré l’effet-Calva sur le fou-rire d’une voisine ; ce soir, on va fêter les 60 ans de la frangine. Demain soir, on va causer littérature et polar au Maquis. J’apporte Mathématique du crime (Guillermo Martinez) et Le tonneau (Crofts). Dimanche, on file dans le Val-d’Oise.

Qu’ai-je vu ? Deux films avec Jessica Chastain. Je sais pourquoi : son nom me rappelle le Chastaing à Chateauneuf-sur-Loire, le long du fleuve avec ses arbres énormes où je me promenais enfant tandis que mon grand-père pêchait. De là, de cette époque insouciante, je bascule dans un film où elle traque Ben Laden et dans un autre sur les lobbyistes pro-armes aux USA. Je cherche d’autres lieux de mon enfance qui porteraient le même nom qu’une actrice… Jessica Trocadero ? Jessica La Rochelle ? Jessica Luc-sur-Mer ? Un film sur le lobby du fromage pasteurisé avec Jessica Membert ? Même pas.

Qu’ai-je lu ? L’intégrale des Mythagos de Robert Holdstock ; Tristesse de la terre de Vuillard ; Le manoir des roses et La citadelle écarlate (anthologies d’Heroic fantasy) – ceux-ci essentiellement pour dénicher des épigraphes rigolotes en tête de chaque chapitre de Caïman (il m’en faut au moins 42). Quel drôle de genre littéraire, l’Heroic Fantasy… Épées et poèmes. Force brute contre l’Indicible. Brak, Kull, Conan, Elric… Des bœufs tourmentés.

Voilà. Ouf. Je viens de penser quelque chose d’assez rutilant pour figurer dans mon journal : L’Heroic fantasy relate les affres de bœufs tourmentés par l’Indicible.

samedi 2 novembre

Il pleut. Le vent repousse la fumée hors de la cheminée. Par moment, la salle ressemble à l’intérieur d’un nuage.

Le fiston a vu mon livre aux Utopiales. Il a écouté Damasio lire un chapitre de Furtifs et en a sagement conclu que c’était du gloubi-glouba vieillot.

dimanche 3 novembre

Il pleut. En route pour le Val-d’Oise. Brrr…

JOURNAL 2019 / Semaine 44