Roman paru aux Moutons électriques en 2016. Disponible ici
Bon.
Deux indications préliminaires, avant de les oublier :
un : il m’a fallu 10 ans pour lire « Les Terres creuses » ;
deux : il m’a fallu dix minutes pour me décider à écrire un livre à partir de cette lecture ;
trois : avant celui-là, je n’avais écrit que deux romans : « NECROPORNO » et « Le retour du prisonnier de la planète Mars ».
Donc, les 2211 notules du fascicule de Costes & Altairac parlant de conjectures souterraines s’agrègent, se dissolvent ou passent dans mon tamis cérébral. J’en retire principalement la No. 1043, qui présente « The microscopics giants » de Paul Ernst, in Thrilling wonder stories, oct. 1936 : « Cette nouvelle traite d’un motif fort rare à notre connaissance, celui d’une humanité qui s’est adaptée à vivre… à l’intérieur de la roche ! » m’assurent les auteurs.
Là-dessus, je me souviens d’une nouvelle écrite et laissée en sommeil, où une jeune femme visite un zoo, est bousculée par un rhinocéros et commence à s’enfoncer dans le sol (sans doute à cause d’un « transfert de masse » inopiné). Je reprends le texte et décide que le rhinocéros s’appellera Dürer.
Là-dessus, je visionne un feuilleton de l’ORTF tiré des « Habits noirs » de Paul Féval, et retiens cette idée que, s’ils veulent réussir un crime sans être inquiétés, les truands doivent fournir un coupable à la justice.
Là-dessus, je relis tout de même « Voyage au centre de la Terre » (dont j’utilise en exergue du chap. X ce « j’allais tomber » prononcé par Axel Lindenbrook au chap. XVII).
Voilà. J’ai l’intrigue. Pas vous ?
L’éditeur m’apprend que le décorum devra paraître steampunk, pour proposer un élément de langage utile à la force de vente. J’ai donc la technologie : ficelles et acier, automobile Serpolet ou bien Draulette et Catois (pourrissant au fond d’un jardin, je me moque du steampunk requis), aérodyne solaire et aérostat propulsé au gaz. Et la technologie permettant cet « ébrouement moléculaire », ce rayon ZR ? « Nous ne pouvons hélas ! nous étendre avec précision sur ce sujet, car la science de Louis Zèdre-Rouge se dérobe au profane ; le lecteur pardonnera l’incrédulité qui en résultera, mais nous préférons ne pas lui servir un salmigondis de termes baroques dont la profusion eût pauvrement masqué notre ignorance. Et puis, le poète observant bondir un cerf pense-t-il myocytes et système somatique ? »
Pour la géographie, j’ai l’Islande et la roche, le Snæfelljökull et, voyons… Villelest, qui sonne parfaitement à l’oreille.
Les personnages se présentent d’eux-mêmes sans que j’aille les chercher loin.
Leur caractérisation s’opère toute seule ; dans un certain sens, le roman est pré-écrit : il s’agit d’un pastiche.
La demoiselle existe déjà : je l’ai rencontrée, puis je l’ai évoquée dans la nouvelle « Sept pour un million » qui raconte la transformation du monde en une tapisserie.
Pour quelle raison le fiancé se nomme-t-il Louis Zèdre-Rouge ? Mais parce que je suis en train de dévorer « Zigomar » !
Le héros-qui-revient s’appellera bien entendu Lazaret, et ceci pour flatter le lecteur malin. (Là-dessus, David Bowie meurt : d’où la coquille volontaire p. 95).
Par contre, je bricole une surprise avec l’identité de Mademoiselle Siméone Visbecq.
« Visbecq », un clin d’œil parmi d’autres… :
je salue Werner Herzog (et Kinski), là-bas, en Australie (Kinszog Wall) ;
avec la permission des intéressés, je baptise les ouvriers « altéracs » (ouvriers-racleurs altérés) ; et « Caustes » ceux-qui-vivent-dans-la-roche ;
je n’oublie pas Kipling et ses « histoires comme ça » ;
j’ai une « avenue de Kremer », un cabinet « Baruch & Jorgell ».
Le lecteur malin s’amusera à en chercher d’autres.
La description du centre de la Terre m’est venue… en mangeant un artichaut.
L’abrupte fin (où je m’éloigne du pastiche) surgit brutalement, car Christine Luce, vigilante correctrice, m’indique « L’élégie à Marina Tsvetaieva » de Rainer Maria Rilke, qui contient ces deux mots : « Nous profondeurs ».
Voilà.
Écrit en 10 mois.
Je souffle un peu, je file en vacances et puis… Et puis je tombe, dans un vide-maison, sur « Machu Picchu » de Simone Waisbard, dans la coll. « Les énigmes de l’univers » chez Robert Laffont.
Je songe : « tiens, ce pourrait être le point de départ d’un roman d’aventures… ».
…
Mais ceci est une autre histoire.
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