JOURNAL 2019 / Semaine 29

Semaine 29

lundi 15 juillet

Et tous les hommes d’une île close sur elle-même se réveillèrent un matin avec une vulve à la place du pénis. Les réactions furent nombreuses : certains remuèrent terre et ciel pour retrouver leur attribut ; d’autres palpèrent les femmes afin de savoir s’il s’agissait d’une interversion. Mais après s’être interrogés sur la raison de cette disparition, tous continuèrent à vivre sans plus se soucier de l’affaire. Après s’être abondamment mouillé les cuisses par étourderie, ils apprirent à pisser agenouillés.

Vu Juliette (Marc Allegret, 1953) avec Dany Robin, parfaite, Jeanne Moreau, exaspérante et Jean Marais qui joue très mal.

Tandis que je termine Tous mes potes sont des bâtards, le roman suivant bouillonne et se nourrit d’une accumulation de choses incertaines (cf. 28 juin) ; je perçois ce qu’il sera, car, pas même à peine préconçu et déjà insistant, il fléchit mes curiosités et me dicte, d’une manière cryptée, mes lectures. Les choses se rencontrent, s’exigent mutuellement, s’imprègnent et se nouent. Le processus m’hypnotise. Je suis bien loin d’être un écrivain de méthode ; je me laisse porter par le hasard et par les exigences que ce hasard suscite. Je ne pourrais pas fonctionner autrement. Il faut que ça vienne de l’en-deçà et que ça élabore sa propre forme. C’est le choix d’une contrainte multiple qui se dévoile de manière alambiquée. Je créée ainsi, ce qui éloigne de moi toute préoccupation de penser en amont à un éditeur… Me voilà bien.

Lu un Totem Gallmeister tout juste passable : L’enfer de Church Street (Jake Hinkson), pourtant recommandé par la libraire et Prix Mystère de la critique 2016. Faut-il qu’il y ait un flirt poussé avec le glauque pour s’attirer l’intérêt du lectorat moyen (cf. Thilliez) ?

mardi 16 juillet

Il ne restera aucune œuvre éternelle humaine dans un univers dépourvu de sens et de conscience.

Dans la France-caïman post-apo, décrire une communauté qui survit dans un territoire de silex.

mercredi 17 juillet

J’ai trouvé le ton pour la seconde partie de TMPSDB.

Tout à l’heure, j’ai songé à une histoire, je ne l’ai pas notée sur l’instant et voici qu’elle s’est évanouie comme le nuage de poussière du mardi 9 juillet – et pourtant, chaque élément est toujours quelque part dans mon esprit.

jeudi 18 juillet

La science, le crime, le pouvoir : tout est terrain de jeu pour qui se contrefiche de son prochain.

Vu Le trésor de la Sierra Madre (John Huston) et lu Le trésor de la Sierra Madre (B. Traven) : le scénario est au roman ce qu’une pintade est à une autre pintade, identique et autre. Ici une attaque de train, là un récit sur Maria ; ici un mort, là non. Une lettre lue qui décide du sort d’un des trois, une tendresse absente du livre. Une scène de résurrection plus appuyée ici que là. Il n’y a rien de plus différent que deux pintades.

vendredi 19 juillet

Cette nuit, je suis tombé amoureux de l’une d’entre vous. Nous nous serrions dans les bras pour ce qui était au départ une simple politesse, et puis, impromptu, me sont venus des mots : j’aime beaucoup ton visage et la politesse s’est muée en… Tu m’as dit toi aussi quelque chose de plus tendre et plus intime. Nous parlions du milieu où nous nous rencontrions, émettions quelques réserves communes. Tu restais contre moi et c’est ainsi que les choses se sont passées.

Vu The last picture show (Peter Bogdanovich) dans lequel on peut entendre Blue Velvet par Tony Bennett.

samedi 20 juillet

Du point de vue de la technique littéraire, le merveilleux s’accommode mieux du trivial que des généralités.

Un merveilleux sans apparition progressive : le merveilleux est ; l’objet du récit n’est pas sa transformation. Une histoire commencerait ainsi : un serial killer étripe ses victimes, récit traité au premier degré (voir au degré zéro de l’écriture de thriller) ; ce meurtrier, que cherche-t-il ? Encore un meurtre épouvantable, clinique – et là, changement de registre d’une brutalité inouïe, un seppuku narratif avec volonté de trahir à sec le lecteur, de le cueillir avec une surprise totale.

Contrairement à ceux (hors de portée des philologues) qui élaborèrent les mythes, Homère et tous qui viennent après lui ne croyaient pas à leurs merveilleuses élucubrations ; seul le merveilleux scientifique comporte encore une objective crédulité (c-à-d qui ne soit pas purement imaginatif) – voire la science moderne et ses échappées quantiques. Transmutation magie / moyens mécaniques (internes – externes)

Désobéir à la raison, c’est avant cela lui concéder beaucoup.

dimanche 21 juillet

C’est étonnant : lu Le merveilleux, la pensée et l’action (Pierre-Maxime Schuhl). Page 15, il parle du joli bronze de Praxitèle qui représente Apollon Sauroctone, c’est-à-dire tueur de lézard. Puis lu Les caprices du sexe (Louise Dormienne, alias Renée Dunan). Qu’y rencontré-je dans un bordel, page 150 ? Un Apollon tueur de lézards.

Que le passé nous réserve-t-il ?

JOURNAL 2019 / Semaine 29

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