Nom de dieu ! Déjà vendredi et je n’ai rien pensé qui puisse être écrit dans mon journal ! Je suis tout vide de la tête ou quoi ? Qu’ai-je pensé qui ne soit pas assez doré sur tronche pour passer à la postérité ? Suis-je devenu un idiot au jus cérébral aussi insipide que de l’urine de poisson rouge ? Ne suis-je pas même capable de parler au moins, je ne sais pas, de ma mutuelle ? De mes problèmes de voiture ? N’ai-je rien à dire sur nos hommes politiques ? Sur le voile ? Sur Joker ? Ha ! Aurais-je passé mes heures à faire autre chose que de m’écouter ? Aurais-je vu des gens ? Aurais-je lu ? Travaillé à Caïman ? (Oui : je boucle le chapitre 23.)
Ai-je au moins assuré une permanence sur facebook ? Même pas – ou le strict minimum, deux likes jetés au hasard comme deux grains dans une basse cour.
Me suis-je usé au moins dix minutes les méninges à trouver un sens à quelque chose ? Pas certain. Mais lundi, on a mesuré l’effet-Calva sur le fou-rire d’une voisine ; ce soir, on va fêter les 60 ans de la frangine. Demain soir, on va causer littérature et polar au Maquis. J’apporte Mathématique du crime (Guillermo Martinez) et Le tonneau (Crofts). Dimanche, on file dans le Val-d’Oise.
Qu’ai-je vu ? Deux films avec Jessica Chastain. Je sais pourquoi : son nom me rappelle le Chastaing à Chateauneuf-sur-Loire, le long du fleuve avec ses arbres énormes où je me promenais enfant tandis que mon grand-père pêchait. De là, de cette époque insouciante, je bascule dans un film où elle traque Ben Laden et dans un autre sur les lobbyistes pro-armes aux USA. Je cherche d’autres lieux de mon enfance qui porteraient le même nom qu’une actrice… Jessica Trocadero ? Jessica La Rochelle ? Jessica Luc-sur-Mer ? Un film sur le lobby du fromage pasteurisé avec Jessica Membert ? Même pas.
Qu’ai-je lu ? L’intégrale des Mythagos de Robert Holdstock ; Tristesse de la terre de Vuillard ; Le manoir des roses et La citadelle écarlate (anthologies d’Heroic fantasy) – ceux-ci essentiellement pour dénicher des épigraphes rigolotes en tête de chaque chapitre de Caïman (il m’en faut au moins 42). Quel drôle de genre littéraire, l’Heroic Fantasy… Épées et poèmes. Force brute contre l’Indicible. Brak, Kull, Conan, Elric… Des bœufs tourmentés.
Voilà. Ouf. Je viens de penser quelque chose d’assez rutilant pour figurer dans mon journal : L’Heroic fantasy relate les affres de bœufs tourmentés par l’Indicible.
samedi 2 novembre
Il pleut. Le vent repousse la fumée hors de la cheminée. Par moment, la salle ressemble à l’intérieur d’un nuage.
Le fiston a vu mon livre aux Utopiales. Il a écouté Damasio lire un chapitre de Furtifs et en a sagement conclu que c’était du gloubi-glouba vieillot.
dimanche 3 novembre