Ai croisé un nombre élevé de manchots dans la rue, qui, respectant avec ardeur le code sanitaire en pandémie, s’étaient arraché un bras à coup d’éternuements.
Cul-de-sac (Douglas Kennedy). J’étais un inconditionnel du temps perdu. (p. 246).
J’aime ne pas savoir ce que je lis, entraîné par une forme adéquate. Je n’aime pas savoir ce que je lis, et dont la forme m’insupporte (c.-à-d. Les Furtifs).
Qu’est-ce que l’entendement, si tant de choses le dépassent ?
Beaucoup, beaucoup de moucherons qui tournent autour des monolithes élus que sont Tolkien, Lovecraft, ou Dick. On déplore Werber et on enterre Darvel.
Récits de vaisseaux doublant un Cap Horn de SF, falaises noires, chaudron de tempêtes et – surtout, lieu d’une anomalie d’attraction où on voit les flots suivre une inclinaison étrange – une pente. (Explication : météorite englouti, ayant son propre champ d‘attraction.)
Valeureux Grand Chef « Sûr-de-gagner-car-personne-en-face » qui s’accroche comme pou sur la molle couille citoyenne.
La Harpe et l’Ombre (Alejo Carpentier). L’époque était calamiteuse. (p. 19). Les gouvernements américains actuels sont des gouvernements convulsifs à cause des changements continus auxquels ils sont soumis. (p. 35). Celui qui connaîtrait, à la nuit tombante, les mystères de la mort, de même qu’il avait connu de son vivant ceux d’un au-delà géographique. (p. 47). Indes nombreuses, foisonnantes, épicènes et spécieuses, indéterminées mais qui pourtant s’avancent vers nous, désireuses de nous tendre la main, de se mettre à l’abri de nos lois (p. 79). il défendait en revanche la docta ignorantia dont je suis un adepte. (p. 103). Par la porte de droite et par la porte de gauche entrèrent les figures étirées du Mystère. (p. 180).
La Danse sacrale (Alejo Carpentier). Dernier gros morceau de l’auteur. De la révolution russe à Fidel Castro, à travers les yeux de deux personnages. quand on est né dans un milieu comme le mien, où personne ne se heurte à a Difficulté, à la Contingence, à ce qui se passe au-delà de son univers personnel ; où l’on tient pour notion fondamentale que toute Idée Étrangère à l’idée de posséder n’est pas une Idée Valable ; où l’on croit que seuls sont réels les événements qui se produisent à notre profit (p. 41). les monstres de Jérôme Bosch, peintre de démons d’autant plus effrayants, à ce qu’affirmait Quevedo, qu’il n’en avait vu aucun. (p. 67). un ordre qui commença à être vicié le jour où une communauté primitive se transforma en un méchant patelin dans lequel les sorciers se constituèrent en corps législatif (p. 121). Et, devant ces survivants d’un régime aboli, s’accrut en moi l’impression de me trouver dans un monde incroyablement caduc mais où des mains opiniâtres s’accrochaient encore au passé, prêtes à offrir leurs dernières énergies à tous ceux qui parleraient de recouvrer ce qui avait été perdu, de sauvegarder titres et biens, d’immobiliser, d’étayer, de défendre, ici, là, partout où il le faudrait, un présent propice à leurs nostalgies (p. 189). un crime était préférable à une erreur, puisque pour tout crime il y avait un avocat, tandis que celui qui se trompait – le naïf, le rêveur – serait toujours le bouffon des puissants et des forts (p. 300). et si, depuis mon enfance, je ne fais que considérer des faits qui dépassent mon entendement (p. 429). morte sept jours après ses noces – « sans laisser de descendance » (p. 439). en me promettant tous les égorgements, étripements et défenestrations auxquels rêvent tous les bourgeois du monde (p. 516).
En relisant La harpe et l’ombre, je me suis demandé combien de livres m’ont ainsi marqué, par surprise, au hasard d’une bibliothèque, d’une recommandation, d’une curiosité buissonnière ou dans l’œuvre d’un auteur, qui ont affublé mon plaisir de lire d’une multitude d’yeux nouveaux – ou qui m’ont fait éclater de rire. Et, entre autres, me sont revenus :
Adriana Buenos Aires (Macedonio Fernandez) ;
Colas Breugnon (Romain Rolland) ;
Je lègue mon âme au diable (Germán Castro Caycedo) ;
La mort en Arabie (Thorkild Hansen) ;
La nonne-soldat (Catalina de Erauso) ;
Lavengro (Georges Borrow) ;
La victoire à l’ombre des ailes (Stanislas Rodanski) ;
Les arpenteurs du monde (Daniel Kehlmann)
Lettres de Tanger à Allen Ginsberg (William S. Burroughs) ;
Stalky & Co (Rudyard Kipling) ;
Typee (Herman Melville) ;
Un pont sur la Drina (Ivo Andrić) ;
Vagabonds (Knut Hamsun).